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Quand Ruwen Ogien, "patient à perpétuité", réfute tout dolorisme

Le philosophe Ruwen Ogien livre un témoignage profond et drôle sur son cancer. Un exploit.

Jamais on aurait pensé sourire en lisant un livre sur le cancer. C'est pourtant l'un des petits miracles de l'ouvrage que le philosophe Ruwen Ogien vient de consacrer à sa maladie. Sa vie de "patient à perpétuité", brinquebalé d'un hôpital à l'autre dans son "déguisement de malade", charlotte verdâtre sur la tête, chaussures en tissu synthétique, trimbalé par des brancardiers qui font valser les portes comme dans un train-fantôme, visité chaque matin par un essaim de médecins aux faux airs de touristes indifférents, provoque souvent un rire jaune. 

Un livre de combat

Ruwen Ogien dit bien les pensées inavouables qui traversent son esprit: la sourde jalousie à l'égard des bien portants; le doute sur la compétence des pontes de la médecine à l'heure où chacun, via Internet, devient un spécialiste de sa propre maladie; le sentiment d'être un "déchet social" infantilisé; la haine pour le compagnon d'infortune qui partage sa chambre et regarde un jeu stupide à la télévision, le volume monté à fond... 
Mes mille et une nuits est surtout un livre de combat. Combat contre ce dolorisme hérité de nos racines chrétiennes, qui voudrait que la souffrance rende meilleur. Critique en règle de la notion de "résilience" chère à Boris Cyrulnik. Démontage du fameux aphorisme nietzschéen "Ce qui ne me tue pas me rend plus fort". 
Ruwen Ogien réussit un petit exploit: décrire au plus près l'intimité de la maladie tout en gardant la distance de l'intellectuel. Notre prescription: dix pages le matin, dix pages le soir avant de dormir. N'hésitez surtout pas à dépasser la dose prescrite. 
MES MILLE ET UNE NUITS, par Ruwen Ogien. Albin Michel, 260p., 19€.  

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