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Présidentielle algérienne : calife à la place du calife !

Noms d'oiseau, anathèmes, lynchage médiatique... À quelques jours du scrutin présidentiel, les partisans des six candidats ne font pas dans la dentelle. Consternant.
Quelques jours avant sa clôture, le 14 avril, la campagne électorale pour le scrutin présidentiel n'a enregistré aucune dérive significative. Pas d'incidents ni d'affrontements entre partisans des six candidats en lice. Mais elle n'en a pas moins donné lieu à quelques séquences verbales où l'hystérie le dispute au ridicule.
Dans le langage imagé du Journal télévisé, les candidats sont évoqués sous le terme de forsane ("cavaliers"). Une manière d'assimiler la course à El-Mouradia... à une fantasia. Tous les prétendants sont, il est vrai, issus du mouvement nationaliste, sous différentes déclinaisons. Du national-ouvriérisme de la trotskiste Louisa Hanoune, secrétaire générale du Parti des travailleurs (PT), au national-populisme de Moussa Touati, patron du Front national algérien (FNA), en passant par le nationalisme nostalgique d'Ali Fawzi Rebaïne, leader d'Ahd 54 ("serment 54"), ou le nationalisme boy-scout du benjamin des candidats, Abdelaziz Belaïd, 50 ans, président d'une nouvelle formation, Djabhat el-Moustakbal ("front de l'avenir"). Hormis Louisa Hanoune, tous ont fait leurs armes au Front de libération nationale (FLN, ancien parti unique et première force politique).
La répartition régionale est assez équilibrée. Avec trois représentants - Hanoune (Jijel), Ali Benflis et Belaïd (Batna, en pays chaoui) -, l'Est se taille la part du lion. Deux candidats sont originaires du Centre : Touati (Médéa, dans le Titteri) et Rebaïne (Alger). Quant à Abdelaziz Bouteflika, il est le seul à incarner l'Ouest (Tlemcen). Grand absent : le Sud. Mais il s'agit d'une absence structurelle.
L'élection est jouée d'avance ?
Une grande partie de l'opinion publique, les partis qui comptent, les médias et les chancelleries sont d'accord sur un point : l'élection est jouée d'avance. Pour eux, Bouteflika, président-candidat, remportera le scrutin dès le premier tour. Et ce malgré son âge, 77 ans, et un état de santé précaire dû aux lourdes séquelles d'un accident vasculaire cérébral (AVC). Se faire élire sur un fauteuil roulant ? "Et alors ? s'insurge un de ses partisans, Franklin Roosevelt n'a-t-il pas brigué avec succès un quatrième mandat alors qu'il était paralytique ?" Sans doute, mais Roosevelt avait animé sa campagne. Ce qui n'est pas le cas du favori des pronostics pour le scrutin du 17 avril. Incapable de se déplacer ou de discourir, Bouteflika fait campagne par procuration via Abdelmalek Sellal, ex-Premier ministre et directeur de sa campagne, comme lors des présidentielles de 2004 et de 2009.
Deux improbables attelages se sont invités dans la partie : Barakat ! ("ça suffit !"), un mouvement de contestation plus bruyant que massif, et les partisans du boycott. Si Barakat ! peine à mobiliser la rue, c'est que ses partisans se trouvent essentiellement sur les réseaux sociaux. Échaudés par la décennie noire (les années 1990, marquées par les massacres commis par les groupes islamistes) et les convulsions du Printemps arabe, les Algériens, dont une majorité aspire au changement, préfèrent le statu quo à l'anarchie. Barakat ! se résume ainsi aujourd'hui à quatre nombres : 50 manifestants, 150 journalistes, 600 policiers et 2 000 badauds. Ses premières manifestations ont provoqué quelques interpellations. Puis, au fil du temps, les forces de l'ordre ont mis en oeuvre ce que le général Abdelghani Hamel, directeur général de la sûreté nationale, appelle pudiquement "la gestion démocratique des foules".
Autres intrus : les boycotteurs. Toutes les élections présidentielles pluralistes algériennes ont donné lieu à un "front du refus", mais celui de 2014 est celui qui ratisse le plus large : des laïcs du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) aux Frères musulmans du Mouvement de la société pour la paix (MSP) en passant par le salafiste Abdallah Djaballah ou encore par le libéral Ahmed Benbitour, éphémère Premier ministre de Bouteflika. Animé par une vingtaine de partis, ce front a obtenu des pouvoirs publics l'autorisation de tenir, le 21 mars, un meeting dans une salle omnisports de la capitale. Avec une assistance de quelque 5 000 personnes, ce rassemblement a remporté un franc succès. À ceci près qu'il a été phagocyté par des militants du Front islamique du salut (FIS), dissous en 1992 et considéré comme le premier responsable de la décennie noire, qui ont entonné un slogan de sinistre mémoire : "Aleyha nahya, wa aleyha namout" ("Pour elle - sous entendu la charia - je vivrai, pour elle je mourrai"). Pris en otage par les ouailles d'Ali Benhadj, le front du refus se fait depuis plus discret. Par Cherif Ouazani

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