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Gaza : Enquête sur les frappes aériennes israéliennes contre des tours d’habitation en mai

 Les frappes aériennes de l’armée israélienne, qui ont détruit quatre immeubles résidentiels de plusieurs étages à Gaza lors des affrontements de mai 2021, ont apparemment violé les lois de la guerre et pourraient constituer des crimes de guerre, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Ces attaques ont également endommagé des édifices situés à proximité de ces quatre immeubles, ont rendu plusieurs dizaines de familles sans abri et ont provoqué la fermeture de plusieurs entreprises qui fournissaient un moyen de subsistance à de nombreuses personnes.

Entre le 11 et le 15 mai, les forces israéliennes ont attaqué les tours Hanadi, al-Jawhara, al-Shorouk et al-Jalaa situées dans le quartier densément peuplé d’al-Rimal, dans la ville de Gaza. Dans chaque cas, l’armée israélienne a averti les habitants d’une attaque imminente, permettant leur évacuation. Trois de ces immeubles se sont immédiatement effondrés, tandis que le quatrième (la tour al-Jawhara) a subi d’importants dommages et il est prévu qu’il soit démoli. Les autorités israéliennes affirment que des groupes armés palestiniens utilisaient ces immeubles à des fins militaires, mais n’ont fourni aucune preuve permettant d’étayer cette allégation.

« Les frappes aériennes apparemment illégales effectuées par l’armée israélienne contre quatre tours d’habitation à Gaza ont causé des dommages graves et durables aux nombreux Palestiniens qui y vivaient, y travaillaient, y faisaient des achats ou avaient recours à des entreprises qui y étaient basées », a déclaré Richard Weir, chercheur auprès de la division Crises et conflits à Human Rights Watch. « L’armée israélienne devrait rendre publics les éléments de preuve sur lesquels elle affirme s’être appuyée pour mener ces attaques. »

L’armée israélienne a affirmé que, lors des hostilités avec les groupes armés palestiniens dans la bande de Gaza du 10 au 21 mai, ses forces avaient visé environ 1 500 objectifs à l’aide de projectiles tirés des airs ou du sol. Les Nations Unies ont affirmé que les attaques israéliennes avaient causé la mort de 260 personnes à Gaza, parmi lesquelles au moins 129, dont 66 enfants, étaient des civils. Les autorités locales à Gaza ont affirmé que 2 400 logements avaient été rendus inhabitables, tandis que plus de 50 000 étaient endommagés et plus de 2 000 installations industrielles, commerciales et de services détruites ou partiellement endommagées.

Les groupes armés palestiniens ont tiré sans discernement plus de 4 360 roquettes en direction d’Israël, causant la mort de 12 civils en Israël, dont 2 enfants et un militaire, selon les autorités israéliennes. Human Rights Watch a précédemment documenté des frappes aériennes israéliennes qui ont tué de nombreux civils palestiniens, ainsi que des tirs de roquettes menés par des groupes armés palestiniens, soit des violations des lois de la guerre commises par les deux camps.

Entre mai et août, Human Rights Watch mené des entretiens téléphoniques avec 18 Palestinien·ne·s qui ont été victimes ou témoins des attaques contre les tours, dont des habitant·e·s, des propriétaires de commerces et des employé·e·s, ainsi que des personnes qui se trouvaient dans d’autres édifices situés à proximité et qui ont également été affectées. Human Rights Watch a également analysé des séquences vidéo et des photos prises après les attaques, ainsi que les déclarations faites par des responsables israéliens et palestiniens, et par des groupes armés palestiniens.

Les tours abritaient de nombreuses entreprises, des bureaux d’agences de presse et de nombreux appartements. Jawad Mahdi, 68 ans, l’un des co-propriétaires de la tour al-Jalaa qui y vivait avec des dizaines de membres de sa famille, a déclaré : « Toutes ces années de dur travail, c’était un lieu de vie, de sécurité, pour les enfants et les petits-enfants, tout notre passé et notre vie, détruits sous nos yeux ... C’est comme si on vous arrachait le cœur. »

Les effets à long terme de ces attaques vont bien au-delà de la destruction immédiate des immeubles, a déclaré Human Rights Watch. De nombreux emplois ont été perdus avec la fermeture de compagnies et de nombreuses familles ont été déplacées.

Mohammed Qadada, 31 ans, directeur d’une entreprise de marketing en ligne installée dans la tour Hanadi, a déclaré que parmi les 30 employés affectés par la destruction de la tour, se trouvent des personnes « qui ont leurs propres familles, qui sont mariés depuis peu, qui soutiennent leurs parents âgés, ou qui ont des familles dont certains membres sont malades et ont besoin d’un soutien financier. » Il a ajouté que ces gens « ne trouveront plus de travail car leurs équipements qui leur permettaient de créer, de concevoir, de produire ont été complètement détruits. Dès lors, comment peuvent-ils travailler ? »

Israël a affirmé que ces tours abritaient des bureaux de groupes armés palestiniens, notamment le quartier général de certaines unités, leurs services de renseignement militaire et, dans l’une des tours, des bureaux dédiés « à l’équipement technologique le plus précieux du Hamas », destiné à être utilisé contre Israël. Aucune information permettant d’étayer ces affirmations n’a pourtant été rendue publique. 

Human Rights Watch n’a pu trouver aucun élément tendant à prouver que des membres des groupes palestiniens impliqués dans les opérations militaires avaient une présence temporaire ou permanente dans l’une de ces tours au moment où elles ont été attaquées. Même si une telle présence était avérée, les attaques semblent avoir causé aux biens civils des torts manifestement disproportionnés.

Selon le droit international humanitaire, qui codifie les lois de la guerre, toutes les parties à un conflit sont tenues de limiter leurs attaques à des objectifs militaires. Elles doivent prendre toutes les précautions possibles pour minimiser les dommages infligés aux civils et, à moins que les circonstances ne le permettent pas, doivent avertir effectivement à l’avance qu’une attaque est imminente. Les attaques délibérées de civils et de biens civils sont interdites, y compris les attaques de représailles contre des civils. Les lois de la guerre interdisent également les attaques menées sans discernement, ce qui inclut les attaques qui ne visent pas un objectif militaire particulier, ou qui ne font pas de distinction entre des cibles civiles et militaires. Les attaques lors lesquelles les dommages prévisibles subies par les civils et les biens civils sont hors de proportion avec les avantages militaires attendus sont également interdites.

Les personnels ou les équipements utilisés dans des opérations militaires sont des cibles d’attaques légitimes mais, pour justifier la totale destruction d’un gros immeuble où ces éléments sont peut-être présents, il faut que l’attaque n’inflige pas de dommages disproportionnés aux civils ou aux biens civils. La proportionnalité de l’attaque israélienne est d’autant plus sujette à caution que les forces israéliennes ont démontré dans le passé qu’elles sont capables de frapper des étages ou des parties spécifiques de structures. Or ces attaques ont complètement détruit trois des immeubles visés, ce qui indique clairement que leur intégrité structurelle a été ciblée. En ce qui concerne la tour al-Jalaa, l’armée israélienne a affirmé que les groupes armés ayant occupé plusieurs étages, la tour devait être entièrement détruite.

Le déploiement de groupes armés palestiniens dans les tours, s’il est réel, irait à l’encontre des préceptes du droit international, selon lesquels les parties en conflit doivent prendre toutes les précautions possibles pour minimiser les dommages subis par les civils se trouvant sous leur contrôle et éviter de placer des objectifs militaires dans des zones à forte densité de population. Israël a accusé à maintes reprises les groupes armés palestiniens de se déployer au milieu des civils et de les utiliser comme « boucliers humains » – sans en fournir la preuve – et ainsi de commettre le crime de guerre consistant à installer délibérément des forces militaires dans des zones habitées de civils, afin de dissuader l’ennemi de viser ces forces. 

Les individus qui ordonnent ou commettent de graves violations des lois de la guerre avec une intention criminelle – c’est-à-dire de manière délibérée ou imprudente – se rendent responsables de crimes de guerre. Un pays responsable de violations des lois de la guerre est tenu de réparer intégralement la perte ou le préjudice causé, y compris de verser des compensations aux personnes affectées.

Le bouclage de Gaza par Israël, qui dure depuis 14 ans, ainsi que les restrictions imposées par l’Égypte à sa frontière, ont ravagé l’économie dans la bande de Gaza. Les restrictions imposées à l’entrée de biens considérés, selon une définition large, comme « à double usage », par exemple, ont grandement réduit l’accès de la population aux matériaux de construction et à certains équipements médicaux. À moins qu’elles ne soient levées ou considérablement réduites, ces importantes restrictions imposées aux mouvements des personnes et des biens vont handicaper les efforts de reconstruction.

Le 27 mai, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a créé une Commission d’enquête chargée d’examiner les allégations de violations et d’abus commis dans le Territoire palestinien occupé (TPO) et en Israël, y compris en faisant avancer l’établissement des responsabilités pour leurs auteurs et faire rendre justice aux victimes. Cette commission devrait examiner les attaques illégales commises par les forces israéliennes et les groupes armés palestiniens lors des affrontements de mai. Elle devrait également analyser le contexte général, notamment le traitement discriminatoire des Palestiniens par le gouvernement israélien.

« Au cours du conflit en mai, des frappes israéliennes illégales ont non seulement causé la mort de nombreux civils, mais ont également détruit des tours d’habitation, anéantissant de nombreux appartements et entreprises et bouleversant la vie de milliers de Palestiniens », a affirmé Richard Weir. « À eux seuls, les financements des bailleurs de fonds ne suffiront pas à reconstruire Gaza. L’opprimant bouclage de la bande de Gaza devrait cesser, tout comme l’impunité qui ne fait qu’alimenter la poursuite de graves abus. »

Freedom1 / Human Rights Watch

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