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Japon - Rapport : Le système de « justice de l’otage » viole les droits des accusés.. Vidéo

 

Le système japonais de « justice de l’otage » prive les personnes suspectées d’infractions pénales du droit à une procédure régulière et à un procès équitable, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport rendu public aujourd’hui.

Le rapport de 101 pages, intitulé « Japan’s ‘Hostage Justice’ System » (« Le système de justice de l’otage au Japon »), documente le traitement abusif des suspects de crimes placés en détention provisoire. Les autorités privent ces personnes de leur droit de garder le silence, les soumettent à des interrogatoires en l’absence d’avocat, les contraignent à des aveux par des arrestations répétées et par le refus de les remettre en liberté sous caution, et les placent en détention pendant de longues périodes sous surveillance constante dans des commissariats. Le gouvernement japonais devrait entreprendre d’urgence des réformes en profondeur, notamment pour modifier le code de procédure pénale, afin de garantir aux détenus le droit à un procès équitable et responsabiliser davantage les enquêteurs et procureurs.

« Le système japonais de ‘‘justice de l’otage’’ prive les personnes arrêtées de leurs droits à la présomption d’innocence, à la tenue rapide et équitable d’une audience de remise en liberté sous caution, et à l’accès à un avocat lors des interrogatoires », a déclaré Kanae Doi, directrice de Human Rights Watch pour le Japon. « Ces pratiques abusives ont déchiré des vies et brisé des familles, et mené à des condamnations injustifiées. »

Human Rights Watch a effectué des recherches dans huit préfectures – Tochigi, Chiba, Tokyo, Kanagawa, Aichi, Kyoto, Osaka et Ehime – entre janvier 2020 et février 2023. Les chercheurs se sont entretenus avec 30 interlocuteurs, en personne ou en ligne, qui étaient visés par des poursuites pénales et avaient déjà subi des interrogatoires, ou s’apprêtaient à le faire. Human Rights Watch s’est également entretenu avec des avocats, des universitaires, des journalistes, des procureurs et des proches des suspects. 

Le Code de procédure pénale japonais permet de détenir des suspects pendant 23 jours avant leur mise en accusation par un juge. Les autorités interprètent cette disposition comme autorisant les interrogatoires pendant toute cette période. Les enquêteurs font pression sur les suspects pour qu’ils avouent les crimes présumés, même lorsqu’ils invoquent le droit de garder le silence.

De nombreux suspects sont détenus dans des commissariats de police sous surveillance constante, et parfois privés de contact avec les membres de leurs familles lorsqu’une interdiction de communication est émise.

Les juges approuvent régulièrement les demandes des enquêteurs de procéder à de nouvelles arrestations et à des prolongations de la période de détention. La limite de 23 jours de détention n’apporte aucune restriction réelle à la détention provisoire, car les enquêteurs peuvent utiliser la détention pour des crimes mineurs distincts ou diviser les accusations basées sur le même ensemble de faits comme une excuse pour arrêter à nouveau et placer en détention les suspects de manière répétée.

Hidemi T. a été arrêtée en septembre 2018, soupçonnée de maltraitance sur son fils âgé de sept mois et accusée de l’avoir blessé. Les charges ont ensuite été abandonnées, faute de preuves. Elle a relaté à Human Rights Watch comment son interrogatoire s’est poursuivi après qu’elle a exercé son droit de garder le silence : « J’ai dit à la police que je garderai le silence immédiatement après mon arrestation. Les policiers se sont alors sentis frustrés et ont continué à m’interroger, en essayant toujours de me faire avouer que j’avais agressé mon fils. »

Les détenus ne sont pas autorisés à demander une remise en liberté sous caution lorsqu’ils se trouvent en détention provisoire (soit « préventive », jusqu’à la tenue du procès). Même lorsque le détenu est inculpé et qu’il est enfin autorisé à demander d’être libéré sous caution, ceux qui n’ont pas avoué ou sont restés silencieux ont souvent plus de mal à persuader un juge d’approuver leur demande de remise en liberté sous caution. La détention « provisoire » peut durer des mois, voire des années.

Selon Human Rights Watch, les juges ont approuvé 94,7 % des demandes de détention provisoire émises par les procureurs en 2020, et le taux de condamnation au procès avoisine 99,8 %.

Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, auquel le Japon est un État partie, stipule que tout individu arrêté ou détenu sur la base d’une accusation pénale doit être « promptement » inculpé devant un tribunal. Le Comité des droits de l’homme des Nations Unies, l’organe international d’experts qui fait autorité pour interpréter le Pacte, a précisé qu’un délai de 48 heures est normalement suffisant pour déférer une personne devant un juge, tout délai supplémentaire devant « rester absolument exceptionnel et être justifié par les circonstances ». En outre, en vertu du Pacte, en règle générale, les suspects ne devraient pas être détenus avant leur procès.

Human Rights Watch et Innocence Project Japan, une organisation non gouvernementale japonaise, ont également annoncé aujourd’hui le lancement en juin 2023 d’une campagne pour mettre fin au système de « justice de l’otage ».

« Les autorités japonaises devraient agir d’urgence pour réformer le système de justice pénale, afin de respecter les droits de chaque personne à une procédure régulière et à un procès équitable », a conclu Kanae Doi. « Le Japon devrait garantir le droit de demander une remise en liberté sous caution pendant la détention provisoire et modifier la loi en question, pour la mettre en conformité avec les normes internationales relatives à la présomption d’innocence et à la liberté individuelle. »

World Opinions + Human Rights Watch

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