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Livres. « Un homme dos à la mer » : Wang Wen-hsing éparpille la langue et la vie taïwanaises

 

L’écrivain rend compte du dilemme existentiel de Taïwan face à la Chine avec ce soliloque fiévreux d’un narrateur échoué dans un petit port de l’île.

Un rapide feuilletage d’Un homme dos à la mer laisse entrevoir sa singularité. Criblé de longs tirets, creusé par de non moins longs espaces entre les mots, bosselé de lettres capitales ici ou là, le troisième livre de Wang Wen-hsing traduit en français peut paraître intimidant. Pourtant, il y a là une manière peu commune de jouer cartes sur table. L’écrivain taïwanais, né en 1939, ne dissimule pas ses expérimentations : la forme du texte ne sert pas de paravent derrière lequel un scientifique fou mélangerait des précipités explosifs, elle est le hublot qui permet d’apercevoir les entrailles de ce roman sans pareil.

Ici, le clivage classique entre l’intérieur et l’extérieur se trouble : l’intérieur est l’extérieur. Ce brouillage mérite d’être relevé puisque la grande affaire de Wang Wen-hsing n’est autre que les rapports tourmentés entre le mandarin de Chine et celui de Taïwan – entre la langue des continentaux et celle des exilés. Et malgré ce que pourrait laisser entendre son titre, le roman, dont la première partie a été rédigée entre 1974 et 1979 et la seconde entre 1980 et 1997, ne renvoie pas dos à dos le parler de l’intérieur et celui de l’extérieur ; il les fusionne en une langue sidérante.

« Un homme dos à la mer » (Bei hai de ren), de Wang Wen-hsing, traduit du chinois (Taïwan) et préfacé par Camille Loivier, Vagabonde, 392 p., 22 €.

Par Pierre-Edouard Peillon - Le Monde

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