Emmanuel Macron se retrouve de nouveau en première ligne après la chute, lundi, de son Premier ministre François Bayrou. Si le président et la macronie sont convaincus de devoir se tourner vers les socialistes pour trouver une issue à la crise, les compromis sur la politique menée semblent difficiles à accepter.
Au terme d'un débat marqué par un sévère réquisitoire des oppositions, seuls 194 députés (macronistes, MoDem, Horizons et Républicains) ont voté pour la confiance que François Bayrou avait sollicitée il y a quinze jours. Largement insuffisant face aux 364 voix conjuguées de ses opposants, allant du Rassemblement national à La France insoumise, en passant par le Parti socialiste.Et si le résultat était attendu, il n'en reste pas moins historique: François Bayrou, qui n'était pas obligé de solliciter la confiance des députés, devient le Premier chef de gouvernement de la Ve République à échouer sur un tel vote."Cette épreuve de vérité je l'ai voulue (...) Le plus grand risque était de ne pas en prendre", a argué le patron du MoDem, allié historique d'Emmanuel Macron, qu'il a aidé à accéder au pouvoir en 2017. Un chef de l'Etat qui voit les projecteurs se braquer sur l'Elysée, moins d'un an après la censure du gouvernement de Michel Barnier.
"Qu'il vienne nous chercher"Les tractations pour remplacer François Bayrou sont déjà bien entamées, pressées par l'impératif du budget 2026. Plusieurs dates plaident aussi pour une vacance courte: les mobilisations "Bloquons tout" le 10 septembre, syndicale le 18, ou la décision vendredi de l'agence Fitch qui pourrait dégrader la note de la dette française.
"Ne cherchons pas le budget miracle (...) il n'existe pas", a souligné Paul Christophe, patron des députés Horizons. Le président de Renaissance Gabriel Attal a lui plaidé pour un "accord d'intérêt général" de dix-huit mois jusqu'à la prochaine présidentielle.
Le Parti socialiste s'est encore placé au centre du jeu. "Les socialistes sont prêts", a martelé à la tribune le chef de leur groupe, apostrophant Emmanuel Macron: "qu'il vienne nous chercher". Mais dans l'entourage du président, peu sont ceux qui l'imaginent nommer le premier secrétaire du Parti socialiste Olivier Faure, quand ce dernier rejette lui-même l'idée d'un gouvernement "commun" avec des macronistes.
Le patron des Républicains Bruno Retailleau a lui prévenu: "Hors de question" d'accepter un Premier ministre socialiste. Quant au coordinateur de LFI Manuel Bompard, il ne croit "pas une minute qu'Emmanuel Macron ait l'intention de nommer à Matignon un gouvernement visant à mettre en place une politique de rupture".
Que fera Emmanuel Macron ? C’est la question que tout le monde se pose après la chute, lundi 8 septembre, du gouvernement de François Bayrou. Le président de la République exclut de démissionner et écarte pour le moment l’idée d’une nouvelle dissolution de l’Assemblée nationale. Ne reste donc sur la table que le simple remplacement du chef de gouvernement.
Si les hypothèses ne manquent pas, avec de nombreux noms qui circulent depuis plusieurs jours pour remplacer le président du MoDem à Matignon – Sébastien Lecornu, Gérald Darmanin, Xavier Bertrand, Éric Lombard, Catherine Vautrin sont notamment évoqués –, la question essentielle est de savoir si l’heureux élu pourra faire mieux que ses deux prédécesseurs, Michel Barnier ayant été renversé sur le budget 2025, François Bayrou sur le budget 2026.
Car le contexte n’a pas changé et la mission est toujours aussi délicate. La situation économique de la France reste la même. Face à l’endettement, "notre pronostic vital est engagé, dont dépend notre État, notre indépendance, nos services publics, notre modèle social", a martelé François Bayrou face aux députés dans un discours alarmiste.
Et surtout, la situation politique est identique, avec une Assemblée nationale divisée en trois blocs – socle commun, gauche, extrême droite – dont aucun ne peut prétendre gouverner seul, sans majorité absolue ni même majorité relative.
"Le compromis fiscal est la clé"
Lors d’une réunion à l’Élysée, mardi 2 septembre, Emmanuel Macron avait poussé les responsables du socle commun à "travailler" avec les socialistes. Le message semble être passé. "Il ne faut pas négocier la non-censure à la fois du Rassemblement national et du Parti socialiste. Il faut travailler avec le Parti socialiste. Ça ne veut pas dire que le budget va devenir socialiste mais en tout cas, il faut escompter leur non-censure et s’adresser à eux prioritairement", expliquait ainsi lundi après-midi le député Renaissance Mathieu Lefèvre dans les couloirs de l’Assemblée nationale.
François Bayrou avait pourtant obtenu l’abstention des socialistes en début d’année pour éviter la censure seulement quelques semaines après son arrivée à Matignon. Mais ces derniers ont jugé qu’il n’avait pas tenu parole, que ce soit sur la réforme des retraites ou sur sa capacité à faire des compromis.
"François Bayrou a continué dans son discours à refuser de voir la réalité : pas celle de la dette – chacun s’accorde à dire qu’elle est importante –, mais celle de son isolement, de son incapacité à discuter, de son incapacité à écouter les critiques qui lui sont faites", taclait ainsi le député et porte-parole socialiste Arthur Delaporte dans la salle des Quatre Colonnes de l’Assemblée nationale.
"François Bayrou, n’ayant jamais rien voulu lâcher sur les 44 milliards d’euros d’économies, s’est lui-même condamné au départ", abondait l’ancien macroniste Sacha Houlié, désormais député Place publique (le parti de Raphaël Glucksmann). "Par conséquent, ce qui lui arrive est condamné à se reproduire si le président venait à nommer un Premier ministre sans mandat pour bouger sur l’imposition du capital, sur l’imposition des plus hauts revenus ou encore sur les multinationales. Le compromis fiscal est la clé pour parvenir à s’entendre sur un budget", insistait-il.
"Partager le pouvoir"
Emmanuel Macron avait-il en tête de tels reculs sur sa politique en demandant aux responsables du socle commun de s’entendre avec la gauche ? Probablement pas, et personne, d’ailleurs, ne l’imagine nommer un socialiste à Matignon.
Dans son discours à la tribune de l’Assemblée, le président du parti Renaissance et ancien Premier ministre, Gabriel Attal, a lui aussi appelé de ses vœux "au courage du compromis" face aux "postures politiques", demandant aux "forces républicaines" de bâtir un "accord d’intérêt général autour d’une feuille de route précise" pour les dix-huit mois à venir, jusqu’à la présidentielle de 2027. Il est même allé plus loin dans une interview au Parisien publiée après la chute de François Bayrou et dans laquelle il estime que "le président de la République doit montrer qu’il est prêt à accepter de partager le pouvoir".
Mais lorsque l’on demande à la députée Renaissance Éléonore Caroit, croisée salle des Pas perdus, quels compromis les macronistes seraient prêts à faire, notamment avec les socialistes, celle-ci botte en touche et assure que l’effort de 44 milliards d’euros d'économies doit rester la boussole du futur gouvernement pour le prochain budget.
"Il y a quand même une nécessité à réduire notre déficit et d’avoir une trajectoire qui nous permette d’arriver aux 3 %, qui sont une contrainte que nous avons acceptée au sein de l’Union européenne. Et comme nous avons besoin d’investissements publics dans des secteurs clés, il faut qu’on réfléchisse à notre modèle social, on ne peut pas éternellement vivre à crédit", affirme-t-elle.
Une ligne peu susceptible de convaincre les socialistes, et encore moins le reste de la gauche. Dans ces conditions, difficile d’imaginer que l’histoire ne se répétera pas. Emmanuel Macron "prend acte" de la chute de François Bayrou et "nommera un nouveau Premier ministre dans les tout prochains jours", s’est contenté de faire savoir lundi soir l’Élysée.
World Opinions + Agences
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