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Analyse. Pétrole, gaz : se dégager d’une emprise toxique

 

La flambée des cours des énergies fossiles, entraînée par les sanctions occidentales contre l’invasion russe en Ukraine, doit nous pousser à intensifier les efforts que la lutte contre le réchauffement climatique va nous imposer.

L’invasion russe en Ukraine a provoqué un choc énergétique mondial. La flambée des cours du pétrole et du gaz entraînée par les sanctions occidentales contre l’initiative de Moscou représente une menace pour le pouvoir d’achat des Européens. Mais cette déstabilisation d’une économie encore trop dépendante des énergies fossiles doit nous faire prendre conscience que c’est aussi une opportunité pour accélérer la transition écologique.

De la même façon que la crise pandémique a été un révélateur de nos fragilités sur le plan de nos approvisionnements, l’offensive russe illustre la nécessité urgente de se dégager d’une emprise toxique aussi bien sur le plan environnemental que politique. Le soutien à l’Ukraine aura un prix économique lourd pour les pays européens, qui doit nous pousser à intensifier les efforts que la lutte contre le réchauffement climatique va – bon gré, mal gré – nous imposer.

Le fait que le prix du litre d’essence dépasse les 2 euros ou que les factures de chauffage atteignent des montants prohibitifs ne doit pas être seulement interprété comme un accident conjoncturel, qui se résorbera après quelques mois de fièvre inflationniste. D’abord parce que le conflit risque de durer, surtout parce que cette crise est simplement un avant-goût de ce qui nous attend.

Au-delà du conflit, l’énergie décarbonée coûtera nécessairement plus cher. L’objectif de neutralité carbone en 2050 que s’est fixé l’Union européenne implique une mutation complète de notre économie et de nos modes de vie. Jusqu’à présent, rares sont les dirigeants qui ont le courage de préparer les esprits à cette perspective. Le choc énergétique actuel doit nous inciter à regarder la réalité en face.

Alors que la campagne électorale entre dans sa dernière ligne droite, le réflexe du gouvernement conduit à parer au plus pressé, c’est-à-dire amortir le choc pour les Français qui n’ont pas les moyens d’absorber une telle hausse sur un laps de temps aussi court et pour les entreprises grosses consommatrices d’énergie les plus fragiles. Cet accompagnement est nécessaire, mais très coûteux.

Double enjeu

Un plan de « résilience » doit être annoncé dans les prochains jours. L’Etat se dit prêt à débourser au total une vingtaine de milliards d’euros. Cette nouvelle version du « quoi qu’il en coûte » ne sera pas tenable très longtemps. Certains candidats n’hésitent pas à réclamer une baisse des taxes sur l’énergie. Cette décision serait encore plus coûteuse sur le plan budgétaire. Surtout, elle ne ferait que subventionner notre dépendance au pétrole et au gaz, sans chercher à la réduire. De la même façon, la diversification des approvisionnements ou le renoncement à certains efforts de décarbonation sous prétexte d’alléger notre facture énergétique ne peuvent être que des solutions de court terme.

Dans cette période troublée, Emmanuel Macron tente de s’imposer comme le président qui protège face à des adversaires qui font assaut de surenchère pour préserver le pouvoir d’achat. De fait, il manque à ce stade un discours de mobilisation sur le double enjeu qui est devant nous : la solidarité vis-à-vis de l’Ukraine et une transition énergétique à parachever. C’est d’autant plus regrettable que les deux objectifs se rejoignent. Consommer moins d’énergies fossiles conduira à limiter le financement de l’agression russe tout en consolidant les efforts de lutte contre le réchauffement climatique.

Les deux causes font l’objet d’un large consensus dans l’opinion. Le gouvernement doit s’appuyer dessus afin d’inciter les Français à faire des efforts pour anticiper ce virage inéluctable.

World Opinions - Le Monde

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