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Tchad. Les Républiques héréditaires

 L’installation du fils Déby à la tête du Conseil militaire de transition s’inscrit dans la triste histoire de pouvoirs africains antidémocratiques.

En Afrique, parler de tribalisme est un abus de langage. Ç'aurait été merveilleux si nos dirigeants pratiquaient un véritable tribalisme : ils auraient au moins réglé les problèmes d'une partie de la population. En vérité, la politique chez nous n'est pas une affaire de tribu, c'est une affaire de famille. La mort du maréchal Idriss Déby, et son remplacement quasi automatique par son fils, en est un indéniable révélateur. Idriss Déby n'est pas un cas isolé, même si on a appris avec stupeur que son clan détenait à lui seul tous les leviers économiques et politiques du pays.

Les méfaits de la parentèle

À une ou deux exceptions près, tous nos dirigeants sont vulnérables aux terribles méfaits de la parenté. La famille est une chose forte, une chose irrationnelle devant laquelle nous sommes tous impuissants. Surtout en Afrique où, nombreuse et impérative, elle se mêle de tout, décide de tout. Houphouët-Boigny savait ce qu'il faisait quand, dès le début de l'indépendance de la Côte d'Ivoire, il a chassé ses enfants du terrain de jeu politique. À l'inverse, ce sont les méfaits du clan familial qui ont eu raison de Sékou Touré. Ce sont ses frères et ses sœurs, ses cousins et ses neveux qui l'ont réduit au rang vil de dictateur sanguinaire, lui qui fut la figure charismatique du « Non » à de Gaulle.

De plus en plus contesté aussi bien au sein du peuple qu'au sein de son propre parti, il crut bien faire, à partir de 1967 de remplacer et son parti et son gouvernement par sa famille avec les désastreuses conséquences que l'on sait.

Ce n'est pourtant pas fini

Si, en 1984, le clan Touré s'est effondré à la suite de la mort de celui qu'on appelait « le Grand Syli », ailleurs, des dynasties républicaines ont eu l'opportunité de germer et de se fortifier. Et il n'est pas du tout sûr que d'autres ne viendront pas après les Bongo et les Eyadema. À Brazzaville, si tout se passe bien un Sassou Nguesso en remplacera un autre. Au Cameroun, la candidature (forcément éligible !) de Franck Biya, le fils de son père n'est plus un tabou. En Guinée équatoriale, on ne voit personne d'autre pour succéder à Teodoro Obiang Nguema Mbassogo Macias que son fils, le très scandaleux Teodorin. Et la rumeur publique, qui se trompe rarement, donne beaucoup de chance au fils Alpha Mohamed Condé en Guinée et au frère Téné Birahima Ouattara en Côte d'Ivoire, ou Aliou Sall au Sénégal. Si IBK n'avait pas chuté, son fils Karim, qui était déjà le président de la commission de la Défense à l'Assemblée nationale, aurait sûrement été mis sur orbite.

Attention aux généralisations

Normal, me direz-vous : en Afrique, on hérite de tout, même des poux de l'ancêtre. Méfions-nous tout de même de la ségrégation à l'envers. S'appeler Bongo ou Eyadema ne fait pas de vous une fripouille, a priori. D'ailleurs, il est arrivé que des membres d'une même famille se succèdent au pouvoir dans les conditions les plus honorables. Au Kenya, des décennies après la mort de son père, Uhuru a succédé à Jomo Kenyatta de la manière la plus démocratique. Autrement, on est ravi de constater que, au Niger, le fils du président Mahamadou Issoufou a été nommé ministre du Pétrole et de l'Énergie dans le gouvernement du président Mohamed Bazoum. Que le fils d'un grand président, comme Issoufou, mette le pied à l'étrier politique dans des conditions aussi rassurantes est plutôt un gage d'avenir, aussi bien pour le Niger que pour la démocratie en Afrique.

Par Tierno Monénembo /lepoint.fr

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