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Les réfugiés burundais en Tanzanie font face à des dangers croissants

 La première visite à l’étranger d’Évariste Ndayishimiye en tant que président du Burundi n’était rien de moins que symbolique. Il a choisi Kigoma, une ville du nord-ouest de la Tanzanie près de laquelle environ 154 000 ressortissants burundais continuent de chercher à se protéger contre les exactions de l’administration précédente. 

De nombreux Burundais dans la région ont probablement perçu la visite, au cours de laquelle Évariste Ndayishimiye et le président tanzanien John Magufuli ont convenu de renforcer leurs relations, comme signe que les dangers auxquels ils sont confrontés en Tanzanie pourraient s’accroître.

Ces dangers ne sont que trop réels. Depuis octobre 2019, Human Rights Watch a documenté comment la police et les agents des services de renseignements tanzaniens, parfois en collaboration avec les autorités burundaises, ont arrêté arbitrairement, fait disparaître de force et torturé des réfugiés et des demandeurs d’asile, leur ont extorqué de l’argent et ont renvoyé de force au moins huit d’entre eux au Burundi.

La plupart des cas suivent un schéma similaire. La police tanzanienne pénètre dans les camps de réfugiés dans la région de Kigoma au milieu de la nuit et emmène des gens. Dans certains cas, des Burundais disparaissent sans laisser de trace.

Ces abus ne sont pas uniquement choquants par leur brutalité : ils révèlent aussi que la police et les services de renseignements tanzaniens travaillent avec les autorités burundaises pour cibler des personnes que le gouvernement tanzanien a l’obligation de protéger en vertu du droit international.

Le cas le plus odieux est celui d’un groupe de huit réfugiés et demandeurs d’asile burundais qui ont été détenus dans un poste de police tanzanien à Kibondo pendant plusieurs semaines en juillet 2020. La police et les agents des services de renseignements tanzaniens les ont enfermés dans des conditions déplorables, les auraient torturés et auraient tenté de leur extorquer de l’argent avant de les remettre aux services de renseignement burundais.

« Ils ont utilisé des rayons de roue de vélo pour percer nos parties génitales et ont frotté du piment dessus », nous a raconté un Burundais de 35 ans. « Ils ont dit qu’ils allaient nous tuer. » Lorsqu’on leur a donné le « choix » entre rester en détention en Tanzanie ou être remis aux autorités burundaises, il les a suppliés pour retourner au Burundi, nous a-t-il expliqué.

Après le retour forcé du groupe, les autorités burundaises ont conduit les hommes aux prisons de Muramvya et Bubanza où ils se trouvent toujours au moment de la rédaction de cet article. Au moins, les membres de leurs familles savent où ils sont. Dans d’autres cas, des Burundais portés disparus dans les camps de réfugiés dans des circonstances similaires demeurent introuvables.

Certains des hommes torturés au poste de police de Kibondo ont raconté que les policiers et les agents des services de renseignements tanzaniens leur ont dit que les autorités burundaises avaient transmis des informations à leur propos. Un homme a confié que les agents des services de renseignements tanzaniens connaissaient tout de son passé. « J’ai l’impression d’être déjà mort, je n’ai plus rien à perdre », a-t-il raconté. « Ils ont dit que si le gouvernement du Burundi a besoin de moi, ils viendront me chercher. »

La Tanzanie et le Burundi ont longtemps entretenu des relations étroites. L’ancien président tanzanien Julius Nyerere a conduit les négociations de paix qui ont débouché sur l’Accord d’Arusha en 2000, qui a instauré un partage du pouvoir ethnique et a contribué à mettre fin à des années de conflit au Burundi qui avaient fait environ 300 000 morts. Mais depuis 2015, une crise prolongée au Burundi a fait fuir des centaines de milliers de Burundais vers la Tanzanie. Maintenant, les pressions s’intensifient à leur encontre pour qu’ils retournent chez eux.

Entre 2017 et 2020, près de 100 000 Burundais ont quitté la Tanzanie dans le cadre d’un accord tripartite entre le Burundi, la Tanzanie et l’agence des Nations Unies pour les réfugiés. En août 2019, la Tanzanie et le Burundi ont signé un accord distinct stipulant que tous les réfugiés devaient rentrer dans leur pays d’origine « de façon volontaire ou non » d’ici la fin de cette année-là. En décembre 2019, nous avons constaté que la peur des violences, des arrestations et de la déportation avait incité de nombreux réfugiés et demandeurs d’asile burundais en Tanzanie à quitter le pays.

Les abus documentés dans notre tout dernier rapport vont au-delà des menaces et du harcèlement, démontrant que les autorités tanzaniennes ont commis des détentions arbitraires, des disparitions forcées, des actes de torture et de refoulement – le retour de réfugiés et de demandeurs d’asile vers des lieux où leurs vies ou leur liberté pourraient être menacées. Ce sont de graves violations du droit de demande d’asile protégé internationalement.

Au Burundi, les graves atteintes aux droits humains à l’encontre de membres de l’opposition réels ou supposés, y compris des réfugiés rentrant au pays, les exposent à des risques. En septembre, la Commission d’enquête des Nations Unies sur le Burundi a établi que certains rapatriés ont continué à subir l’hostilité des autorités locales et de la ligue des jeunes du parti au pouvoir, les Imbonerakure, et que certains ont été forcés de repartir en exil.

Un engagement clair des autorités tanzaniennes à respecter le droit international fournirait non seulement aux groupes vulnérables, mais à tous les Tanzaniens, une protection supplémentaire. La ratification de la Convention contre la torture des Nations Unies serait une première étape importante. Les autorités tanzaniennes devraient cesser les arrestations arbitraires et les renvois illégaux de Burundais.

Les partenaires régionaux et internationaux de la Tanzanie, y compris la Communauté d’Afrique de l’Est, la Commission africaine des Droits de l’Homme et des Peuples et l’Union africaine, devraient exhorter publiquement la Tanzanie à enquêter sur ces abus et à mettre fin aux retours forcés des demandeurs d’asile ou des réfugiés au Burundi.

Freedom1/Human Rights Watch 

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