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Côte d'Ivoire : le bras de fer se durcit entre Ouattara et l'opposition

 TENSIONS. Signe fort d'aggravation de la crise autour de cette présidentielle : la résidence d'Henri Konan Bédié a été encerclée par des forces de l'ordre.

Tout s'est noué en début d'après-midi à Abidjan. La résidence du leader de l'opposition Henri Konan Bédié a été encerclée par les forces de l'ordre. Une centaine d'hommes des forces de l'ordre, sans pénétrer dans la résidence de l'ancien chef de l'État, ont tiré des gaz lacrymogènes pour disperser les journalistes et les militants et empêcher la tenue d'une conférence de presse que devait donner l'opposition.

Tensions autour de la résidence de Bédié

À l'intérieur de la résidence, les hommes chargés de la sécurité de M. Bédié ont sorti des kalachnikov pour se préparer à le défendre. « Nous sommes ici pour faire bouclier devant notre président Bédié », a confié à l'AFP un jeune militant du PDCI, tout en insultant les policiers. Mardi midi, le ministre de la Justice Sansan Kambile a accusé l'opposition de « complot contre l'autorité de l'État » et indiqué avoir saisi la justice, « afin que soient traduits devant les tribunaux les auteurs et les complices de ces infractions », impliquant aussi les violences qui ont émaillé le processus électoral avant et après le scrutin, faisant une quarantaine de morts.

Une situation préoccupante

Les résultats provisoires de la présidentielle de samedi ont été proclamés par la Commission électorale indépendante (CEI) mardi à l'aube, qui a fait état d'une participation de 53,9 %. Ce taux de participation constituait un enjeu important du scrutin du fait du boycott de l'opposition, seul le candidat indépendant Kouadio Konan Bertin ayant fait campagne contre M. Ouattara. Il a « félicité » le président pour sa réélection et appelé à la tenue d'une « conférence nationale » pour « la paix et la réconciliation ». L'opposition, qui juge ce nouveau mandat « anticonstitutionnel » et ne reconnaît plus Ouattara comme président, avait annoncé lundi qu'elle avait créé un « Conseil national de transition » pour former un « gouvernement de transition ». L'Union européenne a « pris note de l'annonce des résultats provisoires » et exprimé mardi « sa vive préoccupation concernant les tensions, les provocations et les incitations à la haine qui ont prévalu et continuent de subsister dans le pays autour de ce scrutin ».

Des militants de l'opposition, laquelle avait appelé à la « désobéissance civile », ayant saccagé ou bloqué près de 5 000 bureaux de vote, 17 601 bureaux des 22 381 bureaux ont pu ouvrir, selon la CEI. Kouadio Konan Bertin est arrivé deuxième avec 1,99 % des voix, devant les deux autres candidats qui avaient appelé au boycott, Henri Konan Bédié (1,66 %) et l'ex-Premier ministre Pascal Affi N'Guessan, porte-parole de l'opposition (0,99 %).

Dans le sillage de Ouattara

Élu en 2010, réélu en 2015, Alassane Ouattara avait annoncé en mars qu'il renonçait à une nouvelle candidature, avant de changer d'avis en août, à la suite du décès de son dauphin désigné, le Premier ministre Amadou Gon Coulibaly. La loi fondamentale ivoirienne prévoit un maximum de deux mandats, mais le Conseil constitutionnel a estimé qu'avec la nouvelle Constitution adoptée en 2016, le compteur des mandats présidentiels a été remis à zéro. Ce que l'opposition conteste. À Adjamé, quartier populaire d'Abidjan, Hamed Dioma, ferrailleur, était « très heureux ». « ADO (Alassane Dramane Ouattara, NDLR) a bien travaillé pour le pays. Il faut qu'il continue. »

Entre mécontentement et fatigue

Le ton était tout autre à Daoukro, le fief de Bédié. « Ces résultats sont de la mascarade. Il n'y a pas eu d'élection présidentielle en Côte d'Ivoire. Nous allons poursuive la désobéissance civile jusqu'à ce que Ouattara quitte le pouvoir », lance Firmin, un jeune sur un barrage érigé depuis samedi. À Abidjan, une coiffeuse qui n'a pas voté indiquait : « On est fatigué de la politique là ! Tout ce qu'on veut c'est que ça s'arrête. »

Nervosité de la population

Si la mission d'observation de l'Union africaine estime que « l'élection s'est déroulée de manière globalement satisfaisante », le Centre Carter, fondation créée par l'ancien président des États-Unis et prix Nobel de la paix Jimmy Carter, est beaucoup plus critique : « Le contexte politique et sécuritaire n'a pas permis d'organiser une élection compétitive et crédible ». Des milliers d'Ivoiriens avaient quitté les grandes villes, anticipant des troubles, dix ans après la crise qui avait suivi la présidentielle de 2010, faisant 3 000 morts, à la suite du refus du président Laurent Gbagbo (au pouvoir depuis 2000) de reconnaître sa défaite face à M. Ouattara.

Une situation d'incertitude

Ces événements en Côte d'Ivoire, premier producteur mondial de cacao, font craindre une nouvelle crise dans une région éprouvée par des attaques djihadistes au Sahel, et secouée récemment par un putsch au Mali, une élection contestée en Guinée et un mouvement de contestation parmi la jeunesse au Nigeria. L'ONU s'est inquiétée mardi de l'afflux de quelque 3 200 ressortissants de Côte d'Ivoire dans les pays voisins (Liberia, Ghana et Togo), pour fuir les violences.

Du coup, la Cédéao, l'UA et l'ONU ont appelé mardi dans un communiqué commun l'opposition ivoirienne, qui ne reconnait pas la réélection du président Alassane Ouattara et veut instaurer un régime de "transition", à "respecter l'ordre constitutionnel". La Communauté des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao), l'Union africaine et les Nations unies demandent à l'opposition de "respecter l'ordre constitutionnel" et de "privilégier la voie du dialogue", appelant aussi "toutes les parties" à la "retenue pour préserver les vies humaines", selon le communiqué.

Par Le Point Afrique avec AFP

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