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Alger-Paris : La tension

Le ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, a convoqué hier l’ambassadeur de France à Alger pour lui signifier le mécontentement des autorités algériennes provoqué par la «campagne hostile» menée par les médias français.

La publication de la photo du président Bouteflika en une du journal Le Monde, illustrant un article où il est question de Abdessalem Bouchouareb, ministre de l’Industrie, éclaboussé par le scandale planétaire Panama Papers, semble la goutte d’eau qui a fait déborder le vase.
Une première mise au point a été adressée au quotidien, qui l’a publiée en précisant qu’effectivement, il «ne visait pas Bouteflika, mais plutôt son entourage», suivie d’une série d’articles dans la presse française critiquant la visite du Premier ministre français Manuel Valls à Alger, les 9 et 10 avril, allant jusqu’à suggérer son annulation pour éviter de serrer la main à Bouchouareb.
Hier, le ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, a convoqué à son département l’ambassadeur de France à Alger, Bernard Emié, pour lui exprimer sa «protestation énergique» contre «la campagne de presse hostile à l’Algérie et à ses institutions, menée en France dans différents médias et à travers d’autres activités publiques».
Dans le communiqué diffusé par l’APS, le ministre «a fait valoir le fait que ladite campagne malveillante et fallacieuse — que l’invocation de la liberté de la presse ne saurait aucunement justifier — a atteint son paroxysme avec des manipulations diffamatoires délibérément dirigées contre l’institution présidentielle». Mieux, à travers cette «protestation», M. Lamamra souligne «la nécessité morale et politique que des autorités françaises qualifiées marquent clairement leur réprobation de cette campagne qui est incompatible avec la qualité et le niveau des relations algéro-françaises».
Visiblement, le chef de la diplomatie algérienne est en colère. Comme il l’a été il y a quelques jours seulement, lors de la visite de Jean-Marc Ayrault, en déclarant : «Entre amis, on se dit les choses franchement», avant de lancer au visage de son hôte ses quatre vérités, sortant de fait du protocole diplomatique qui lui est connu.
Crispation au sujet du Sahara Occidental
M. Lamamra avait surpris le parterre de journalistes en déclarant : «Monsieur Jean-Marc Ayrault est ministre depuis quelques semaines» alors que la crise du Sahara occidental «dure depuis près de 40 ans». Il a beaucoup parlé de «responsabilité» et de «devoir devant l’histoire», déclarant «espérer que l’administration Hollande contribuera à aider la région» et permettra «une sortie de crise». «Il faut prendre les décisions qui s’imposent pour arriver à l’autodétermination du peuple sahraoui. La question du Sahara occidental relève d’un processus de décolonisation.» C’est la première fois qu’un ministre algérien des Affaires étrangères use de ce langage à l’égard d’un représentant d’un pays comme la France, un client aussi prioritaire que privilégié mais qui reste non reconnaissant.
L’affaire Bouchouareb, qui est en soi très grave, ne peut cependant à elle seule justifier, pour les autorités, la campagne menée par une grande partie de la presse française contre la visite de Manuel Valls à Alger. En effet, plusieurs journaux et chaînes de télévision veulent mettre dans l’embarras le chef de l’Exécutif français, allant jusqu’à lui reprocher «de serrer la main» à Bouchouareb, éclaboussé par les Panama Papers.
Dans sa version en ligne, L’Observateur, sous le titre «De la friture sur la ligne Alger-Paris», écrit que «ce sommet n’avait pas besoin de sujets supplémentaires de crispation à quelques jours de sa tenue. C’est pourtant ce qui vient de se produire avec le scandale Panama Papers». Selon L’Observateur, la première raison est liée à la précision adressée par les autorités au journal Le Monde, qui avait publié la photo du président Bouteflika à la une, pour évoquer ses proches cités dans les Panama Papers.
«La seconde raison, souligne le journal en ligne, est à chercher du côté français où les rencontres au sommet prévues à Alger risquent de ne pas coller à l’image que le gouvernement souhaite véhiculer : au centre du volet économique de ce sommet de deux jours doit en effet avoir lieu une entrevue entre le ministre français de l’Economie, Emmanuel Macron, et son homologue de l’Industrie, Abdessalem Bouchouareb. Or, ce dernier est en première ligne des Panama Papers algériens».
La presse française met la pression sur valls
Pour l’hebdomadaire Le Point, «il est à se demander si l’idée de voir le Premier ministre français Manuel Valls et dix membres de son gouvernement rencontrer Bouchouareb dérangerait-elle en raison de l’évocation de ce dernier dans le volet algérien des Panama Papers».
Le Figaro trouve, pour sa part, que la visite du Premier ministre français à Alger «pourrait être écornée car une rencontre qui était prévue (jusqu’à lundi) entre Emmanuel Macron et Abdessalem Bouchouareb, avec de possibles signatures de contrat à la clé». Le Figaro revient sur le ministre de l’Industrie et le présente ainsi : «Très en vue auprès du pouvoir d’Alger, le sulfureux ministre a notamment déjà été cité dans le scandale financier Khalifa.
Ami d’enfance du président Bouteflika, dont il a dirigé la communication, son nom est régulièrement cité dans la presse pour un poste de Premier ministre. Il reste le pivot incontournable de l’implantation des milieux d’affaires français en Algérie, une problématique déterminante alors que la Chine a ravi à la France la place de premier partenaire commercial.» Mais, conclut Le Figaro, «affichant une détermination face à la fraude fiscale à Paris, Manuel Valls et Emmanuel Macron pourraient donc avoir à serrer la main, à Alger, d’un client présumé des sociétés-écrans panaméennes».
La chaîne de télévision RTL, sur sa version en ligne, a titré : «Comment le scandale Panama Papers s’invite dans le voyage de Manuel Valls à Alger», et commence en lançant : «Le week-end prochain, le Premier ministre français sera à Alger. Il rencontrera le président Bouteflika et, probablement, devra serrer la main d’un homme impliqué dans le scandale Panama Papers. Il s’agit de Abdessalem Bouchouareb. Ce proche du président Bouteflika a fait fortune dans les pommes de terre (dans la purée et les chips, pour être précis) (...).
C’est un partenaire incontournable pour la France, qui cherche à reconquérir sa place de premier fournisseur du pays. C’est avec lui que les entreprises françaises, comme Renault et Peugeot, discutent pour signer des contrats.» Des analyses critiques et acerbes, sur un fond de tension qui ne dit pas son nom.
Par Salima Tlemçani

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