GÉO-ÉCONOMIE. Alors que le Forum de Davos se déroule dans un contexte de recul de la mondialisation, l'Afrique veut se positionner, notamment sur les sujets d'avenir.
Le premier grand rendez-vous économique mondial qui réunit les grands décideurs économiques et de nombreuses personnalités politiques ainsi que la société civile pour aborder l'état du monde et discuter des priorités pour les années à venir, le Forum économique mondial (WEF), rouvre cette semaine ses portes à Davos, petite station de ski des Alpes suisses, sur le thème « Coopération dans un monde fragmenté ».
Après deux ans de reports et d'annulations à cause du Covid, il s'agit de réfléchir à la coopération dans un monde en crise et de plus en plus fragmenté. En cause, la crise de la pandémie de Covid-19 dont la planète peine encore à se relever, et bien sûr la guerre en Ukraine et ses conséquences les plus visibles dont la flambée des prix de l'énergie, l'inflation ou encore le dérèglement climatique. Sans oublier, la guerre froide qui se joue sur le plan économique entre les États-Unis et la Chine, exacerbant les reflexes protectionnistes. « Nous sommes confrontés au spectre d'une nouvelle guerre froide » avec l'apparition de « blocs économiques rivaux », a regretté dimanche la directrice générale du Fonds, Kristalina Georgieva. Et pourtant, « l'intégration économique a aidé des milliards de personnes à devenir plus riches, à avoir une meilleure santé et une meilleure éducation.
Depuis la fin de la guerre froide, la taille de l'économie mondiale a pratiquement triplé et près de 1,5 milliard de personnes sont sorties de l'extrême pauvreté. Ce dividende de la paix et de la coopération ne doit pas être gaspillé », a-t-elle martelé. Dans ce contexte géopolitique et géoéconomique complexe, comment le continent africain peut-il se positionner?
Où en est l'Afrique ?
Les attentes sont grandes quant au rôle que pourrait jouer le continent africain dans le façonnement de l'avenir de l'économie mondiale. Avec plus de 1 500 dirigeants du secteur privé et dix chefs d'État, l'Afrique veut plus que jamais muscler sa présence et faire entendre sa voix.
C'est un fait : dans ce monde fracturé, l'Afrique s'est retrouvée au cœur d'une guerre d'influence sans précédent, notamment entre la Chine et l'Occident. La Chine a accru son engagement en Afrique ces dernières années, notamment à travers l'initiative chinoise « la Ceinture et la Route » du président Xi Jinping. Les dirigeants occidentaux cherchent également à approfondir leur engagement avec l'Afrique, reconnaissant le potentiel de croissance et de développement du continent.
Les effets combinés de la pandémie de Covid-19 et de la guerre russe en Ukraine ont compromis les efforts de croissance économique de l'Afrique, même si le Fonds monétaire international annonce qu'elle échappera à une récession avec un PIB estimé à 3,7 %. Il faut souligner qu'avant 2020, les économies à la croissance la plus rapide se trouvaient en Afrique. Le double choc a révélé les vulnérabilités des économies africaines, dans un contexte de baisse de la demande pour les exportations africaines et par une forte volatilité des prix des matières premières, sans compter que les conditions financières mondiales se resserrent et que les taux d'intérêt augmentent. Les dirigeants africains sont également confrontés à des marges de manœuvre budgétaires drastiquement réduites depuis la pandémie, et leurs pays sont plus vulnérables face à la dette.
Des opportunités à travers la Zone de libre-échange continentale
Malgré ces perspectives sombres, les experts entrevoient pour l'Afrique des pistes sérieuses pour renouer avec une croissance plus vigoureuse et durable, notamment à travers la mise en œuvre de la Zone de libre-échange continentale africaine. Lancé en 2020, l'accord doit permettre la suppression des barrières commerciales et tarifaires entre les 54 pays du continent, facilitant le commerce, l'harmonisation des réglementations et des normes créant l'un des plus grands marchés uniques au monde. Le projet a largement convaincu à Davos, où a été lancée, en mai dernier, une initiative intitulée le Forum des amis de la zone de libre-échange continentale africaine et qui vise à mobiliser les entreprises mondiales pour soutenir la mise en œuvre de la Zlecaf.
Un rapport doit être publié cette semaine sur la manière dont ces entreprises ou les investisseurs internationaux peuvent accélérer sa mise en œuvre. Ce document doit mettre en exergue les principales tendances, opportunités et stratégies pour investir en Afrique, tout en développant des chaînes de valeur locales, sous-régionales et continentales et en accélérant l'industrialisation. Désormais, l'idée est d'accélérer, pour cela, l'organe en charge de la Zlecaf va tout faire pour encourager les pays africains à tirer parti des partenariats avec le secteur privé présent à Davos. Pour rappel, le WEF est financé par ses 1 000 entreprises membres, généralement des entreprises mondiales pesant plus de 5 milliards de dollars de chiffre d'affaires.
L'Afrique au cœur de la transition énergétique mondiale
Concrètement, le secteur de l'énergie est l'un des plus attractifs au vu des vastes réserves de ressources énergétiques renouvelables dont dispose l'Afrique. Actuellement, seulement 40 % environ de l'Afrique a accès à l'électricité, l'Agence internationale de l'énergie affirme que le continent doit augmenter sa production d'énergie d'au moins 30 % d'ici à 2030 – les analystes voient dans l'Afrique un acteur majeur de la transition énergétique mondiale, et ce même si des questions persistent à l'avenir des hydrocarbures. Car l'espoir pour l'Afrique le partage à la crainte d'une malédiction semblable à celle associée à l'exploitation de l'or noir dans nombre de pays : celle d'une richesse échappant aux populations locales, les laissant même plus pauvres, dévastant leur environnement et engraissant la corruption. « Si l'activité se limite à la prospection, à l'extraction des métaux, l'Afrique ne tirera aucun profit de la transition énergétique en Europe. Donc il faut absolument investir dans la chaîne de valeur », avait dit à l'AFP Gilles Lepesant, géographe et chercheur au Centre national français de recherche scientifique (CNRS).
Conduisant ou stockant l'électricité, ces métaux – lithium, cobalt, manganèse, etc. – entrent déjà dans la fabrication de batteries automobiles, d'éoliennes, de panneaux photovoltaïques. L'industrie a besoin de montagnes de ces minerais pour espérer se détourner du pétrole et des énergies fossiles. La course est lancée par les grandes économies pour sécuriser les approvisionnements. La demande et le prix augmentent de jour en jour.
L'Afrique est l'un des théâtres de cette grande compétition. Les annonces de découverte se succèdent à un rythme soutenu. Les experts africains souhaitant là aussi que la zone de libre-échange continentale constitue un cadre pour la transition énergétique verte de la région. « En déplaçant la fabrication de batteries en aval vers la source de nombreux intrants critiques, comme la RDC, où 70 % de l'approvisionnement mondial en cobalt est produit, la région peut devenir une plaque tournante essentielle dans la chaîne d'approvisionnement mondiale des véhicules électriques », veut croire Chido Munyati, responsable de l'Afrique et membre du leadership mondial au WEF. Autant de sujets qui démontrent que l'Afrique continue d'être un acteur majeur de l'économie mondiale et devrait jouer un rôle encore plus important à l'avenir.
World Opinions - Le Point Afrique
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