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En Turquie, Recep Tayyip Erdogan est bousculé par une jeunesse désenchantée

 Au-delà des manifestations étudiantes, qui réclament la démission du recteur de l’université nommé par le président, le mouvement de contestation dit le malaise d’une génération avide de liberté, et que la crise économique inquiète.

Analyse. En dépit de la répression, la contestation des étudiants ne faiblit pas en Turquie. Parti de l’université du Bosphore (« Bogazici », en turc), à Istanbul, le mouvement a gagné Ankara, Izmir et Adana. A Istanbul comme à Ankara, des professeurs ont manifesté, revêtus de leur toge, sur les pelouses des campus, tandis que 147 intellectuels turcs, dont le Prix Nobel de littérature Orhan Pamuk, ont publié une lettre de soutien aux étudiants.

La nomination d’un nouveau recteur à Bogazici, un établissement public parmi les plus prestigieux, par le président Recep Tayyip Erdogan, a mis le feu aux poudres. Une partie des étudiants et des professeurs dénoncent une procédure non démocratique et contestent la légitimité du recteur parachuté, Melih Bulu, un universitaire falot mais loyal, puisqu’il est un militant du parti présidentiel de la justice et du développement (AKP, islamo-conservateur), au pouvoir depuis 2002. Les protestataires réclament sa démission. « Bulu ! Hormis Erdogan, personne ne veut de toi ici », clamait l’une des pancartes brandies par les manifestants. Le droit de chaque université à élire son recteur est mis en avant.

« Des serpents venimeux »

Car depuis le coup d’Etat raté du 15 juillet 2016, le processus de sélection des recteurs, qui s’était à peu près toujours fait en cooptation avec les conseils d’université, a été aboli. Désormais, les nominations sont du ressort exclusif du président Erdogan, qui a nommé 27 recteurs au cours de l’année 2020 et 12 pour les deux premiers mois de 2021.

La riposte des autorités au mouvement étudiant a été cinglante. Plus de 600 personnes ont été arrêtées à travers le pays depuis le 4 janvier, jour où les protestations, plutôt pacifiques, ont commencé. Selon le ministère turc de l’intérieur, 498 des interpellés ont été relâchés. Les autres sont sous contrôle judiciaire, en détention préventive ou en garde à vue.

Les autorités turques ont leur interprétation de ce qui se passe sur les campus. Les étudiants contestataires sont des « terroristes » et des « vandales », selon le président Erdogan, des « déviants LGBT », d’après le ministre de l’intérieur, Süleyman Soylu, « des serpents venimeux à qui il convient d’écraser la tête », comme l’a écrit sur son compte Twitter Devlet Bahçeli, le chef du Parti d’action nationaliste (MHP, extrême droite), partenaire de coalition de l’AKP.

Par Marie Jégo(Istanbul, correspondante) / Le Monde

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