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Algérie : le cri d'alarme des médecins en prise avec le Covid-19


La recrudescence des contaminations met le pays à rude épreuve. L'Algérie est le pays du Maghreb le plus affecté avec près de 1 000 morts. 
« On est en non-stop. On est épuisés. À plat. Certains sont morts, qu'ils reposent en paix, et plusieurs membres de mon équipe ont été contaminés », confie à l'AFP, désemparé, le docteur Mohamed Yousfi, chef du service d'infectiologie de l'hôpital de Boufarik, près d'Alger. Comme lui, les médecins algériens sont de plus en plus nombreux à lancer l'alerte afin d'éviter une catastrophe. Il faut souligner qu'ils sont en première ligne depuis des mois et à bout. Les médecins algériens sont aussi ceux qui continuent de payer un lourd tribut au Covid-19.
Leur cri d'alarme s'adresse d'abord à leurs compatriotes pour qu'ils respectent les règles de prévention, et à l'État ensuite pour qu'il applique la loi et sanctionne les contrevenants. Pays le plus touché d'Afrique du Nord, l'Algérie a déclaré officiellement près de 18 000 cas de Covid-19, dont un millier de décès.
Des médecins dépassés
C'est à Boufarik, dans la préfecture de Blida, qu'a été identifié le premier foyer de l'épidémie en Algérie. Une famille entière contaminée après le retour de France de ressortissants algériens invités à un mariage local. « L'épidémie a commencé chez nous, elle est en train de flamber chez nous. L'hôpital est complet », dit à l'AFP l'infectiologue de Boufarik. Épuisés, certains médecins ont été victimes de syncopes, d'autres ont eu des accidents de voiture dus à la fatigue.
Depuis l'enregistrement du premier cas de Covid-19 le 25 février, le personnel de santé est particulièrement exposé : 31 soignants sont décédés, dont quatre médecins et une infirmière depuis le début de la semaine, d'après les médias. Selon le professeur Abdelkrim Soukehal, membre du Comité scientifique national, 1 700 membres du personnel de santé, tous corps confondus, ont été contaminés.
Sur les réseaux sociaux, des médecins de tout le pays diffusent des appels de détresse. « Durant toute la garde, je portais un regard fier sur mon équipe qui se donnait à fond… Un regard furieux contre tous ces ignorants qui payent le prix de leur bêtise… Un regard triste sur les victimes contaminées par leurs proches… Et puis un regard vide sur la situation qui continue à empirer, sans qu'il y ait de prise de conscience », a témoigné sur Twitter le docteur M. A., infectiologue à Oran (Nord-Ouest).
Certains médecins déplorent le manque de moyens et réclament une assistance de l'État.
Le Dr Yousfi, lui, voudrait l'aide de ses confrères du secteur public ou privé qui n'exercent pas dans des services d'infectiologie. Et de mettre en garde : « Le jour où l'ensemble des médecins qui sont au front seront dans l'impossibilité de faire leur travail pour cause d'épuisement, il n'y aura plus personne pour soigner les malades».
Hausse des contaminations…
Après une accalmie pendant le mois de jeûne du ramadan (24 avril-24 mai), les autorités avaient décidé d'alléger le confinement imposé à la mi-mars. Mais la pandémie s'est de nouveau rapidement propagée dans plusieurs villes d'Algérie : Alger, Blida, Oran, Biskra (Nord-Est), Sétif (Est), Ouargla (Sud)… « Nous allons vers la catastrophe. Les cas ne cessent d'augmenter », martèle le médecin de Boufarik. Son hôpital est plein et une cinquantaine de personnes, dont des familles entières, se présentent chaque jour avec les symptômes du coronavirus. La moitié est déclarée positive. Avec l'augmentation des contaminations, l'Institut Pasteur d'Algérie, qui pratique les tests, est submergé, passant de 400 prélèvements par jour à plus de 2 000, ce qui retarde les résultats.
…et déni des populations
« Tant qu'il y aura des citoyens qui sont dans le déni, égoïstes et inconscients de contaminer leur entourage et de ce que les médecins endurent à cause d'eux, la situation ne pourra que s'aggraver », avertit le Dr Yousfi. Ce déni répandu en Algérie est « irresponsable et criminel », accuse-t-il. Et il met au défi ceux qui doutent de l'existence du virus de « venir sans bavette dans un service de Covid-19 ». « Nous demandons à l'État d'appliquer la loi tout en maintenant la sensibilisation », surtout en l'absence de dépistage massif et de vaccin. Un mois après les premières mesures de déconfinement, le gouvernement a exigé fin juin un durcissement des sanctions contre les contrevenants. Il a avisé les autorités locales de procéder au « confinement ciblé » des localités et quartiers en proie à des foyers d'infection. « Le temps de la sensibilisation est passé, il est temps d'assumer le prix de vos erreurs, le médecin ne sera là que pour essayer de rattraper ceux qui sont déjà sur le chemin des adieux », estime le docteur M. A. d'Oran.
La nécessaire reprise en main par l'État
Y aura-t-il un sursaut de la part de l'État ? La réponse n'est pas évidente, mais ce jeudi 9 juillet, le président algérien Abdelmadjid Tebboune a présidé une réunion de travail avec cinq walis (préfets) des régions les plus touchées, dont Alger, Oran (Nord-Ouest), Biskra (Nord-Est), Sétif (Est) et Ouargla (Sud). À leurs côtés, le Premier ministre Abdelaziz Djerad, des chefs des services de sécurité et des membres du Comité scientifique de suivi de l'évolution de la pandémie, qui dépend du ministère de la Santé, selon l'agence officielle APS. Les autorités ont dans ce contexte ordonné le reconfinement de deux communes de la wilaya d'El Kala, frontalière de la Tunisie, deux jours après une décision similaire concernant 18 communes de la wilaya de Sétif. Ce rebond des cas de contamination est dû, pour les autorités, au « relâchement » de la population et au « non-respect » des règles de prévention et de protection. En effet, le port du masque sanitaire est obligatoire depuis le 24 mai et les contrevenants sont condamnés à de fortes amendes. Mais de nombreux Algériens continuent d'être réfractaires au port du masque et aux mesures de distanciation physique.

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