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Afrique de l'Ouest : comment les entreprises résistent à la crise


Trois mois après l'apparition de la pandémie, les économies des pays de l'Union économique et monétaire ouest-africaine sont plus résilientes, selon les experts de la finance.
Trois mois après l'apparition de la pandémie, les économies des pays de l'Union économique et monétaire ouest-africaine sont plus résilientes, selon les experts de la finance.
François Sporrer, chef du service économique régional pour l'Afrique de l'Ouest à la direction générale du Trésor français a rappelé que la pandémie a « relativement épargné » l'Afrique. Pour la région de l'Uemoa, le nombre de cas s'élève à 15 000 et 400 décès, selon les données de l'université américaine John Hopkins. « Il est important de souligner que le continent est relativement préservé pour comprendre les enjeux actuels, à savoir éviter que la crise sanitaire, finalement limitée, ne se transforme en crise économique et sociale par un excès de mesures de protection ou par le fait de transmission du ralentissement de l'économie mondiale », souligne-t-il.

Réactions rapides

La rapidité de la réaction de la communauté internationale, mais aussi des pays concernés dans la conception des plans de riposte sanitaire et économique a certainement permis d'atténuer les effets de la pandémie. « Le FMI a fait très vite et il faut lui rendre hommage, il a décaissé en quelques semaines près de 2 milliards de dollars pour les huit pays de la zone Uemoa, soit en gros la moitié de leurs besoins budgétaires additionnels estimés. Pour la Côte d'Ivoire, 886 millions de dollars ont été décaissés », détaille François Sporrer. La Banque mondiale, l'Union européenne, mais aussi la Banque africaine de développement s'engagent également. Toutes ces mesures de soutien apportent une bouffée d'oxygène dans la trésorerie de ces pays. Sur le plan régional, les institutions ont réagi rapidement. La Banque centrale des États de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO) a rapidement pris un train de mesures pour assurer l'accès à la liquidité pour le système bancaire au sein de la zone.


« On peut saluer les mesures prises au niveau de la Banque centrale pour remédier à ce risque de liquidité et au risque de crédit à travers un aménagement spécifique », note Marc Guigni, directeur général adjoint à la Société générale Côte d'Ivoire, qui explique aussi que cet « assouplissement des règles de défaut, va permettre de continuer à accompagner les clients malgré les difficultés ». La banque propose une réduction, voire la gratuité de certains services bancaires pour permettre aux entreprises les plus en difficulté de diminuer leurs charges.

Mesures en faveur des entreprises

Des mesures de mansuétude fiscale (reports d'échéance sur les impôts et les charges patronales, arrêt des contrôles fiscaux, levée de certaines taxes) pour alléger la trésorerie des entreprises ont été annoncées. « Nous sommes au début de l'application de ces mesures, plus directes, pour le secteur formel et informel, le secteur industriel, les services et l'agriculture, avec des aides directes y compris des subventions pour les plus petites entreprises, des mécanismes de garanties de prêts pour inciter les banques à rééchelonner ou aider leurs entreprises clientes », détaille François Sporrer.
Le plan de soutien en Côte d'Ivoire est de 1 700 milliards de FCFA (2,5 milliards d'euros), ce qui correspond à 5 % du PIB ivoirien. Plusieurs fonds de soutien ont été créés, dont un fonds pour les grandes entreprises qui va essentiellement accorder des garanties de prêts bancaires. Pour les PME du secteur formel, un dispositif de garantie sera mis en place ainsi que des subventions, et pour le secteur informel, un fonds doté de 100 milliards de FCFA est créé et fournira des aides sous forme de dons. Un fonds pour le secteur agricole, afin de maintenir les approvisionnements en intrants et préparer les récoltes suivantes est également prévu. Tous ces fonds seront abondés par l'État ivoirien et les bailleurs.
« Les banques ont dans leur grande majorité réaménagé leur politique d'octroi du crédit, dans l'idée de pouvoir pallier les difficultés rencontrées et de surmonter cette crise pour les entreprises. Nous avons observé des ralentissements de flux bancaires, des tensions de trésorerie chez certains clients », constate Marc Guigni. La banque doit adapter son organisation, miser sur l'agilité, la rapidité et adopter une démarche proactive vis-à-vis de ses clients. « L'injection de nouveaux fonds a permis à certaines entreprises de passer la crise », constate-t-il.


La digitalisation

« Nous avons continué à renforcer notre stratégie digitale à travers des innovations et la dématérialisation des opérations bancaires, mais aussi la dématérialisation des demandes de crédit », poursuit-il. Les demandes se font en ligne, les reports d'échéance, pour les entreprises qui le demandent, ont été opérés. Chaque intervenant a constaté l'importance de la digitalisation pour atténuer la crise mais aussi pour se positionner dans l'avenir. « La révolution digitale va se poursuivre, selon Laureen Kouassi Olsson, directrice d'investissement pour le fonds Amethis en Afrique de l'Ouest, qui poursuit : « Nous nous positionnons pour l'accompagner notamment dans le secteur de la santé qui est une priorité, mais aussi dans le secteur de la distribution et l'éducation. »

Sur les marchés financiers

Les Bourses ont plongé et l'Afrique n'a pas été épargnée. La baisse a été plus forte pour les Bourses les plus connectées, comme celle du Caire, de Lagos ou de Johannesburg. La Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM), qui côte 46 sociétés, n'est pas passée au travers de la crise. « Au mois de mars, nous avons perdu 8,16 % sur l'indice composite, puis nous sommes repassés dans le vert en avril, et nous affichons une légère baisse en mai. La bonne nouvelle est que notre marché reste moins volatil par rapport aux autres Bourses africaines et au reste du monde », analyse Félix Edoh Kossi Amenounve, directeur général de la BRVM. Il se réjouit aussi de la performance du marché obligataire, qui est resté très dynamique, avec une progression de 35 % des émissions obligataires. « Autre bonne nouvelle : nous n'avons enregistré aucun défaut sur le marché, tous les États, toutes les institutions, toutes les entreprises du secteur privé ont honoré leurs engagements en termes d'intérêt, de remboursement de leurs emprunts et du paiement des dividendes de la part des entreprises cotées », précise-t-il.

Résilience

« Globalement l'impact est relativement limité, du fait que le confinement en Côte d'Ivoire n'a pas été total. Des pays comme le Ghana et le Nigeria, qui ont connu des confinements plus stricts et affichent une forte dépendance au pétrole (les cours ont chuté), ont nettement plus souffert », explique Laureen Kouassi Olsson. Grâce à une économie plus diversifiée, « nous sommes plutôt optimistes », commente-t-elle.
« Selon le FMI, la croissance de l'Uemoa sera de l'ordre de 2,3 % au lieu des 6,3 % attendus avant la crise, ce qui est néanmoins pas mal, si on considère que pour l'ensemble de l'Afrique, le FMI s'attend à une contraction de 1,4 % du PIB. Ce qui est encore plus intéressant, c'est le rebond attendu. Les pays qui sont le moins impactés rebondiront peu et ceux qui vont être le plus impactés vont avoir une courbe en V. La plus spectaculaire étant celle de la Côte d'Ivoire, dont la croissance 2021 est attendue à 8,7 %. La croissance la plus élevée en Afrique subsaharienne », détaille François Sporrer. Même si des incertitudes persistent, les intervenants ont globalement affiché une certaine forme d'optimisme pour la sortie de crise.


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