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Covid-19 en Afrique : quand confinement rime avec créativité artistique

Et si la crise du coronavirus, en inspirant les artistes, aboutissait à une explosion de belles œuvres en Afrique. Les galeristes en sont convaincus.
« Les artistes sont dans leurs ateliers et travaillent. On se console, on les a régulièrement au téléphone. Beaucoup travaillent chez eux et ils n'ont pas de problème pour s'approvisionner en matières premières. Ils auront beaucoup de choses à raconter, et cela va déboucher sur des œuvres à venir très intéressantes », se rassure Cécile Fakhoury, de la galerie du même nom (Abidjan, Dakar et Paris), qui soutient une quinzaine d'artistes. Même chose, pour Florian Azzopardi fondateur d'Afikaris, qui prend régulièrement des nouvelles des artistes qu'il représente. « Pas mal d'artistes sont assez responsables, ils prennent les devants et même s'il n'y a pas d'annonces officielles, certains s'autoconfinent. C'est une période intéressante pour la création, propice à la réflexion, sur la société et notre modèle de consommation. Elle bouleverse les codes : le monde renonce à la liberté de circuler », observe-t-il.
Soutien mutuel
« Nous recevons des messages de soutien de nos artistes, notamment Victor Diop sur Instagram, et nous sommes en lien direct avec eux grâce à WhatsApp. L'Afrique est super-connectée, même à Kinshasa, qui subit des coupures d'électricité, on peut toujours appeler », raconte Philippe Boutté directeur de la galerie Magnin A. Pour Émilie Demon, d'Africanova, il est essentiel de garder le contact avec les collectionneurs, les curateurs et les artistes. « Nous sommes tous un peu distraits et éparpillés, mais il nous faut maintenir le cap et trouver de nouvelles directions. Le plus frustrant est d'être privé du contact physique régulier et de la proximité avec les artistes, car c'est cela qui nous fait vivre et nous épanouir. Heureusement, nous avons des moyens de communication abordables qui nous permettent de continuer à échanger », admet-elle.

Créer


Isolés dans leurs ateliers, les artistes continuent à créer. Sur les réseaux sociaux, ils partagent leur travail en progrès, comme Jean-David Nkot, dans son atelier à Douala. « Je travaille sur une première toile dont le sujet parle de ces grandes entreprises pharmaceutiques qui se battent pour trouver des solutions. Chacune œuvre de son côté, alors qu'il faudrait travailler ensemble. Ma réflexion porte sur la maladie qui devient un business. La deuxième toile, en cours, parle de la situation économique et de la détérioration des écosystèmes due à l'exploitation minière. Je poursuis mon travail de cartographie, sur l'espace, enjeu de stratégie et de géopolitique un peu à l'image de l'émission de télévision Le Dessous des cartes, créée par Jean-Christophe Victor », explique Jean-David Nkot.
De son côté, So Art Gallery à Casablanca prépare une exposition collective intitulée « Souffle d'Afrique », avec les œuvres de Ngimbi Bakambana, Moustapha Baidi Oumarou, ou Angelo Dakouo, réalisées durant cette période si particulière. Moustapha Baidi Oumarou explique ainsi, sur le mur Facebook de la galerie, qu'il profite de cette période de confinement pour se retrouver avec lui-même : « Tout en ayant un regard pointu sur mon espace de vie entouré par mes toiles, pinceaux et palette de couleurs, et une curiosité pour le monde extérieur, je retrouve ma place d'observateur, une partie de moi confinée à l'intérieur une autre partie projetée à l'extérieur. »

Message de prévention

Certains s'engagent dans l'action. Sur les ondes, en chansons et sur les murs des villes, les messages de prévention des artistes se diffusent. À Dakar, les graffeurs du collectif RBS (Radikl Bomb Shot) sont à l'œuvre. Les murs de l'université, de l'hôpital Fann, se couvrent de messages de prévention pour lutter contre la propagation du virus. Dans le quartier populaire des parcelles assainies, une grande fresque titrée Covid-19 représente une jeune femme, masque blanc sur le visage, accompagnée des recommandations sanitaires. Beaucoup de Sénégalais pensent que le virus ne se propagera pas en Afrique, s'inquiète Alpha Sy, du collectif RBS. Selon lui, l'art est un bon moyen de passer les messages de prévention.

Se réinventer

« Le corona nous oblige à réfléchir, prendre le temps. Pour nous, c'est un bon exercice pour nous réinventer. C'est le moment d'avoir des idées différentes », souligne Florian Azzopardi, qui filme et monte des vidéos dans son appartement parisien. « Cela nous sort d'une routine et nous laisse du temps pour faire tout ce que nous n'avons pas le temps de faire dans l'année. Nous devons prendre cette chance de le faire et mettre à jour nos outils qui nous serviront plus tard, c'est le côté positif », assure Philippe Boutté. « Pour 1-54, cette crise a permis d'être régulièrement en contact avec d'autres foires et nous espérons que cela ouvrira plus de possibilités de collaboration à l'avenir », souligne Touria El Glaoui.
La pandémie qui met la planète à l'arrêt pousse au questionnement. « Au début, c'est la peur qui prend le dessus. La pandémie invite à la réflexion sur le plan social et à se remettre en question. Mais nous ne devons pas être amnésiques le jour du déconfinement. Je crains que la vie reprenne son cours, comme si rien ne s'était passé. Nous sommes à un moment crucial de notre vie. Les changements personnels de ses propres habitudes, cet ensemble de changements doit former une chaîne pour un changer la société », détaille Jean-David Nkot.
La galeriste Cécile Fakhoury s'interroge, elle aussi, sur l'avenir. « C'est une vraie réflexion de fond, sur le long terme. Il faudra peut-être redémarrer différemment. Nous faisons beaucoup de foires. J'ai des galeries en Afrique, je déplace des milliers de tonnes d'œuvres. C'est une prise de conscience progressive. J'ai 36 ans… je réfléchis, à mon niveau, sur une démarche qui prend en compte les déplacements, les kilos transportés, l'empreinte carbone. La Biennale de Venise, par exemple, génère une pollution hallucinante », évoque Cécile Fakhoury. Pour autant, elle ne veut pas concevoir un avenir de son activité 100 % virtuelle, même si la Hongkong Art Basel, qui devait se tenir fin mars, a immédiatement basculé sur une exposition numérique. « Voir les œuvres, monter des expo, faire des foires, c'est aussi ma motivation principale et cela implique des déplacements. L'échange avec les artistes, les collectionneurs, le public… comment faire pour que cela soit bien pour tous ? » se questionne-t-elle.
« Cette période de confinement dû au virus nous permet de prendre le temps de réfléchir au modèle de foire d'art contemporain tel qu'il existe dans notre société actuelle en nous encourageant à penser à des solutions plus écologiques et plus collaboratives notamment, constate Touria El Glaoui. Nous avions déjà commencé à explorer des façons de réduire l'impact environnemental qu'un tel événement international implique et nous allons continuer de nous concentrer sur ces problématiques. »
Blog Freedom1/lepoint.fr

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