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Tunisie : à Bizerte, dans le fief de Nabil Karoui

REPORTAGE. Alors que la demande de libération a été refusée au candidat qualifié pour le second tour de la présidentielle, sa famille et ses partisans s'organisent pour faire campagne.
Il fait chaud à Bizerte. Bermudas et tee-shirts sont légion chez les hommes. Un petit 28 degrés, une température pateline pour un début d'octobre. Dans le local du parti Au cœur de la Tunisie, Emir Ben Messid, 28 ans, regarde son téléphone avec compulsion. Il attend de savoir si « Nabil est libéré ». Après avoir milité à Nidaa Tounes, pour « Béji », il a rejoint Khalil Tounes pour « tenter de raccommoder les inégalités entre Tunisiens ». Il parle de ceux qui peuvent « dépenser un smic en boîte de nuit et ceux qui n'ont pas l'eau courante ». Il dit que cette disparité « le met mal à l'aise ». Il raconte le 23 août, jour de l'arrestation de son candidat. « Nous nous sommes retrouvés brusquement sans président de parti, sans tête de liste à Bizerte, sans directeur de campagne. » Le mandat de dépôt signé à l'aube par le juge concernait les deux frères. Ghazi et Nabil. Depuis, Nabil Karoui est à la prison de La Monarguia et Ghazi, en fuite. Le second, tout en mesure et réflexion, canalise les débordements du premier. Un éruptif et un organisateur. Un instinctif et un planificateur. Ghazi est candidat aux législatives dans ce fief natal de Bizerte. Il a mis en place toute « la machine électorale du parti, des fondations à la cimenterie en deux mois », raconte son fils Skander. Les militants et candidats comme Émir mènent campagne avec « de sérieux handicaps ». Depuis son incarcération, Nabil Karoui a perdu dix points par rapport aux sondages effectués début août. Aux législatives, le parti a décroché de dix points, demeurant cependant le favori ténu.

Bizerte, 315 000 votants, 42 listes

En bordure de mer, dans un café innocemment ventilé par la brise, Skander et Rim Karoui partagent une chicha. Le fils de Ghazi, 22 ans, a mis ses études londoniennes entre parenthèses pour mener campagne à la place de son père, « dont il n'a aucune nouvelle depuis cinq semaines ». Sa tante, l'artiste Rim Karoui, a fait de même avec ses galeries d'art. Les deux ne sont pas des professionnels de la politique, ne souhaitent pas le devenir, le font car ils sont « très famille ». Ils sont souriants, mais fatigués. Une nervosité certaine habite leurs gestes. Durant une heure, cet après-midi, ils vont vivre au rythme des rumeurs.
La chambre d'accusation de la cour d'appel de Tunis est réunie à huis clos pour examiner la demande de libération du candidat Karoui. Des rumeurs de levée d'écrou fleurissent sur les réseaux sociaux, des avocats disent avoir des contacts privilégiés avec certains juges. Poussière. « Chacun tire un fil, croit savoir, c'est très difficile pour nous », analyse dans un fin sourire Rim. Ce sera dans sa voiture qu'un des avocats de son frère lui annoncera que la demande a été refusée. Skander, assis à l'arrière, accuse le coup. Le plus difficile ? « Vivre avec cette angoisse, l'angoisse d'attendre une libération éventuelle, c'est un feuilleton qui dure depuis six semaines. » Ils racontent également : après l'arrestation, « des policiers, plusieurs voitures, étaient devant nos domiciles, ils ont fouillé nos voitures, nous ont suivis, ont arrêté certains chauffeurs ». Rim montre une vidéo filmée de chez elle où un policier dans la rue fait des gestes pour tenter de l'intimider. « On ne les croyait pas capables de faire ça, c'est le retour à des pratiques d'avant, ce n'est pas respectueux de la démocratie qui s'est installée en Tunisie », poursuit-elle. Tante et neveu poursuivront leur campagne à Bizerte, par solidarité familiale. Ils apprennent le quotidien d'une campagne. Le porte-à-porte, la gestion des militants, savoir utiliser les mots justes en public, les cafés politiques. Ils sont des novices, ils en rient. Ils racontent les frères. « Deux inséparables qui ont toujours travaillé ensemble », explique le fils de Ghazi. Deux sujets les ont opposés : « la création de Nessma TV et l'entrée en politique ». La sœur poursuit : « À chaque fois, Nabil a convaincu son frère, mais ce fut plus difficile pour la politique. » Skander décrypte la logique de l'irruption en politique : « Lorsque Nabil s'est lancé dans le caritatif, après la mort de son fils Khalil, il savait que c'était du ponctuel, que, pour que cela devienne structurel, il n'y avait que la politique pour y parvenir. » Le début des ennuis.

Des poids lourds politiques dans l'arène de Bizerte

Dans cet imposant gouvernorat, près de 900 000 habitants, Karoui a viré en tête au soir du premier tour de l'élection présidentielle. « 45 000 voix, soit un tiers de ceux qui sont allés voter » précise Émir. Avenue Habib-Bourguiba, les sièges des partis se bousculent : Ennahdha, Tahya Tounes & Co. Neuf sièges de députés sont à pourvoir. Plusieurs poids lourds de la scène politique sont candidats : Mehdi Ben Gharbia, proche de Youcef Chahed, Samir Dilou, figure historique d'Ennahdha, Olfa Terras, dont l'association Aïch Tounsi veut rebâtir une Tunisie sociale. « Tahya Tounes (NDLR : le parti du président du gouvernement) bénéficie d'un avantage indéniable avec les moyens de l'Etat : ils réquisitionnent des dizaines de bus, ils ferment les routes pour le passage de Chahed », précise Émir. Sur le terrain, à se promener, discuter avec le chaland, pas de fébrilité particulière. Chacun exprime des besoins différents : « infrastructures », « de meilleurs soins publics », « du boulot ». Si la plupart des citoyens ont décrypté la situation, on ne constate pas une colère. Amir, la soixantaine, avocat, explique que « beaucoup de Tunisiens n'ont aucune confiance en l'État, ils pensent depuis Ben Ali que les politiques l'ont privatisé à des fins personnelles ». Dimanche soir, les résultats des législatives à Bizerte ouvriront un nouveau problème. Ghazi Karoui sera élu, sauf coup de théâtre majeur. Tout député bénéficie de l'immunité. « Mais où commence l'immunité, le soir de l'élection ou quand on a prêté serment  ? » s'interroge son fils. Et de préciser : « Impossible d'obtenir une réponse précise. » Concernant le second tour de la présidentielle, Skander Karoui égrène un proverbe tunisien : « Une main ne peut pas applaudir toute seule. » Traduction : Kaïs Saïed ne peut faire campagne seul, sans adversaire en chair et en os. Ce qui se joue à Bizerte, le fief des Karoui, concerne tout le pays. Et, dans la communauté diplomatique, on s'interroge sur « les conséquences d'un scrutin qui risque d'être invalidé ».

Des poids lourds politiques dans l'arène de Bizerte

Dans cet imposant gouvernorat, près de 900 000 habitants, Karoui a viré en tête au soir du premier tour de l'élection présidentielle. « 45 000 voix, soit un tiers de ceux qui sont allés voter » précise Émir. Avenue Habib-Bourguiba, les sièges des partis se bousculent : Ennahdha, Tahya Tounes & Co. Neuf sièges de députés sont à pourvoir. Plusieurs poids lourds de la scène politique sont candidats : Mehdi Ben Gharbia, proche de Youcef Chahed, Samir Dilou, figure historique d'Ennahdha, Olfa Terras, dont l'association Aïch Tounsi veut rebâtir une Tunisie sociale. « Tahya Tounes (NDLR : le parti du président du gouvernement) bénéficie d'un avantage indéniable avec les moyens de l'Etat : ils réquisitionnent des dizaines de bus, ils ferment les routes pour le passage de Chahed », précise Émir. Sur le terrain, à se promener, discuter avec le chaland, pas de fébrilité particulière. Chacun exprime des besoins différents : « infrastructures », « de meilleurs soins publics », « du boulot ». Si la plupart des citoyens ont décrypté la situation, on ne constate pas une colère. Amir, la soixantaine, avocat, explique que « beaucoup de Tunisiens n'ont aucune confiance en l'État, ils pensent depuis Ben Ali que les politiques l'ont privatisé à des fins personnelles ». Dimanche soir, les résultats des législatives à Bizerte ouvriront un nouveau problème. Ghazi Karoui sera élu, sauf coup de théâtre majeur. Tout député bénéficie de l'immunité. « Mais où commence l'immunité, le soir de l'élection ou quand on a prêté serment  ? » s'interroge son fils. Et de préciser : « Impossible d'obtenir une réponse précise. » Concernant le second tour de la présidentielle, Skander Karoui égrène un proverbe tunisien : « Une main ne peut pas applaudir toute seule. » Traduction : Kaïs Saïed ne peut faire campagne seul, sans adversaire en chair et en os. Ce qui se joue à Bizerte, le fief des Karoui, concerne tout le pays. Et, dans la communauté diplomatique, on s'interroge sur « les conséquences d'un scrutin qui risque d'être invalidé ».

Des poids lourds politiques dans l'arène de Bizerte

Dans cet imposant gouvernorat, près de 900 000 habitants, Karoui a viré en tête au soir du premier tour de l'élection présidentielle. « 45 000 voix, soit un tiers de ceux qui sont allés voter » précise Émir. Avenue Habib-Bourguiba, les sièges des partis se bousculent : Ennahdha, Tahya Tounes & Co. Neuf sièges de députés sont à pourvoir. Plusieurs poids lourds de la scène politique sont candidats : Mehdi Ben Gharbia, proche de Youcef Chahed, Samir Dilou, figure historique d'Ennahdha, Olfa Terras, dont l'association Aïch Tounsi veut rebâtir une Tunisie sociale. « Tahya Tounes (NDLR : le parti du président du gouvernement) bénéficie d'un avantage indéniable avec les moyens de l'Etat : ils réquisitionnent des dizaines de bus, ils ferment les routes pour le passage de Chahed », précise Émir. Sur le terrain, à se promener, discuter avec le chaland, pas de fébrilité particulière. Chacun exprime des besoins différents : « infrastructures », « de meilleurs soins publics », « du boulot ». Si la plupart des citoyens ont décrypté la situation, on ne constate pas une colère. Amir, la soixantaine, avocat, explique que « beaucoup de Tunisiens n'ont aucune confiance en l'État, ils pensent depuis Ben Ali que les politiques l'ont privatisé à des fins personnelles ». Dimanche soir, les résultats des législatives à Bizerte ouvriront un nouveau problème. Ghazi Karoui sera élu, sauf coup de théâtre majeur. Tout député bénéficie de l'immunité. « Mais où commence l'immunité, le soir de l'élection ou quand on a prêté serment  ? » s'interroge son fils. Et de préciser : « Impossible d'obtenir une réponse précise. » Concernant le second tour de la présidentielle, Skander Karoui égrène un proverbe tunisien : « Une main ne peut pas applaudir toute seule. » Traduction : Kaïs Saïed ne peut faire campagne seul, sans adversaire en chair et en os. Ce qui se joue à Bizerte, le fief des Karoui, concerne tout le pays. Et, dans la communauté diplomatique, on s'interroge sur « les conséquences d'un scrutin qui risque d'être invalidé ».

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