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La reine Sarraounia : modèle à suivre

Pour les Nigériens, cette figure légendaire incarne la résistance du peuple face à la colonisation. Plus qu'une héroïne historique, un mythe inspirant.
Pour les Nigériens, il n'y a pas de doute : la reine Sarraounia incarne la résistance de leur peuple à la colonisation à la fin du XIXe siècle. Cette identification est pourtant récente, et le personnage de la reine beaucoup plus ambigu qu'il n'y paraît. C'est avant tout par des œuvres de fiction, en effet, bien plus que par le travail des historiens, que l'on connaît cette figure semi-légendaire.
Sarraounia n'est pas un nom. C'est un titre, le féminin de sarki, terme par lequel on désigne un chef politique et religieux en langue haoussa. Sarrounia Mongou était la reine de Lougou, un village Azna animiste de l'Arewa, au sud-ouest du Niger actuel. Elle est entrée dans l'histoire – la légende ? – en s'opposant à l'avancée de la tristement célèbre mission Voulet-Chanoine. La France cherche alors à atteindre le lac Tchad. Pour ce faire, trois missions sont lancées en 1899. L'une d'elle, la Mission Afrique centrale, confiée aux capitaines Paul Voulet (1866-1899) et Jules Chanoine (1870-1899) sème la terreur et la désolation sur son passage. Pillages, viols, meurtres et exactions en tous genres sont son lot quotidien. Quand elle arrive au pays Haoussa en avril 1899, la population est terrorisée.

La grâce de la fiction

Galvanisé par sa reine Sarraounia Mongou, rapportent les récits oraux, le village de Lougou décide pourtant de résister à l'envahisseur. Il est finalement détruit le 16 avril au prix d'une résistance acharnée qui coûta à la mission 7 000 cartouches, 4 tués et 6 blessés d'après l'historienne Muriel Mathieu (La Mission Afrique centrale, L'Harmattan 1980). Les archives coloniales n'évoquent pourtant jamais Sarraounia. En fait, personne ne sait vraiment ce qu'elle est devenue après cet épisode tant divergent les versions transmises par les traditions orales. C'est finalement par un écrivain, Abdoulaye Mamani (Sarraounia, le drame de la reine magicienne, L'Harmattan 1980), et un cinéaste, Mel Hondo (Sarraounia, 1986), que l'histoire de la reine de Lougou sort du cadre strictement local de l'Arewa pour prendre une dimension nationale, si ce n'est panafricaine.
Sarraounia est désormais présente dans les livres scolaires utilisés au Niger. La radio Sarraounia FM est l'une des plus écoutées du pays où la banque Sarraounia Finance ne prête qu'aux femmes. Le projet d'appui à la scolarisation des jeunes filles de la région de Dosso porte son nom qui est aussi celui du lycée de la ville… Une femme dont on sait peu de choses est donc devenue l'héroïne de tout un peuple, par la grâce de la fiction. Preuve s'il en fallait qu'en histoire, ce qui s'est réellement passé n'a guère d'importance : c'est ce que les gens pensent qu'il s'est passé qui les fait agir aujourd'hui. Pour les Nigériens et plus encore pour les Nigériennes, Sarraounia est bien plus qu'un personnage historique. C'est un modèle à suivre pour affronter le quotidien. Peu importe alors la réalité de son histoire. 
PAR FRANCIS SIMONIS/lepoint.fr

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