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Abyssinie – Une traversée dessinée

Abandonnant sa chérie à sa solitude, l’auteur-dessinateur Joël Alessandra est parti sur les traces de Monfreid, Kessel et Rimbaud entre Djibouti et l’Éthiopie.
C’est l’histoire d’un homme qui aime une femme mais qui part quand même. Est-ce l’auteur-dessinateur Joël Alessandra ou bien un personnage inventé pour les besoins d’un livre ? Difficile de répondre puisque, à la toute fin d’Abyssinie, une traversée dessinée, ledit auteur remercie « Nicolas, le Monfreid des temps modernes, l’aventurier abyssin par excellence » qui lui a « inspiré cet ouvrage ».

Quoi qu’il en soit, obéissant à l’injonction de Blaise Cendrars (« Quand tu aimes, il faut partir. »), l’homme s’en va, laissant seule sa « chère Claire », son « amour », sa « chérie ». « Je pars faire ce pèlerinage abyssin dans les pas de Rimbaud, Kessel, Thesiger, ces auteurs dont j’ai lu les récits et qui m’ont dit le voyage salvateur… » écrit-il en guise d’introduction.

Rimbaud, Kessel, Thesiger…

Toujours ces auteurs du siècle dernier et de celui d’avant qui pèsent sur l’imaginaire des voyageurs occidentaux quand ils partent en touristes arpenter l’Abyssinie, et plus précisément Djibouti et l’Éthiopie. Pétri de leurs textes, Joël Alessandra les cite (et les illustre) tout au long de sa quête.
Traçant son chemin, croquant ses rencontres, dessinant les fabuleux paysages arpentés, Alessandra mélange considérations journalistiques ou lettres à la bien-aimée

Ainsi Rimbaud, le poète sublime, étalant sa bile à Harar, le 4 août 1888 : « Et puis, n’est-ce pas misérable, cette existence sans famille, sans occupation intellectuelle, perdu au milieu des Nègres dont on voudrait améliorer le sort et qui, eux, cherchent à vous exploiter et vous mettent dans l’impossibilité de liquider des affaires à bref délai ? Obligé de parler leurs baragouins, de manger de leurs sales mets, de subir mille ennuis provenant de leur paresse, de leur trahison, de leur stupidité ! » L’on s’étrangle…
Traçant son chemin, croquant ses rencontres, dessinant les fabuleux paysages arpentés, Alessandra mélange considérations journalistiques, lettres à la bien-aimée et incontournables des carnets de voyage : notes de restaurant, factures d’hôtel, fac-similés de billets de banque, etc.

L’Abyssinie en surface

Si l’auteur excelle dans les aquarelles épurées et les croquis saisis sur le vif, ses textes demeurent à la surface des mondes traversés, plus proches de Wikipédia que des impressions sensibles que l’on pourrait espérer. Quant aux lettres à Claire, rédigées sur de vieilles feuilles quadrillées et toujours sans réponse – à croire que l’e-mail n’existe pas en Abyssinie ! –, elles donnent un peu l’impression d’une construction factice.
Même si elles prêtent parfois à sourire : « Notre repas du soir sera quasiment le même chaque jour d’ailleurs, écrit-il à Baher Dar, le 11 mars. J’ai beaucoup de mal avec la galette levée, l’injera, confectionnée à base de farine de teff. Elle sert à la fois de récipient et de couvert… son goût est particulier, à mon avis, tu détesterais. Ils y ajoutent beaucoup de berbéré, un piment rouge assez fort. Tu te régalerais en revanche avec le shiro, une purée à base de pois chiches, d’oignons, de tomates et, là aussi, un peu de piment. Les Éthiopiens le préparent divinement. »
À l’inverse d’Arthur Rimbaud, Joël Alessandra a su apprécier la nourriture locale et il est rentré en bonne forme pour retrouver sa Claire.
Par Nicolas Michel

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