La présence de la femme tunisienne dans la sphère politique. Il s’agit de l’étude menée durant deux ans par Hafidha Chekir, une figure de proue du mouvement féministe tunisien, et Chafik Sarsar, le juriste professeur et directeur du département des sciences politiques à la Faculté de Droit et des Sciences politiques de Tunis, jusqu’à son accès au poste de président de l’ISIE en janvier 2014.
Commandée par l’Institut Arabe des Droits de l’Homme et soutenue financièrement par l’Union européenne, l’étude a été menée auprès de dix partis politiques (le mouvement Ennahdha, Nidaa Tounes, le Parti des travailleurs, le Parti unifié des patriotes démocrates, Al Massar, Al Jomhouri, Ettakatol, Hizb Ut-tahrir, l’Alliance démocratique et le courant Al Mahabba) et huit organisations patronales et syndicales ( l’UGTT, l’UTICA, le syndicat des agriculteurs et des pêcheurs UTAP, le syndicat des journalistes, le syndicat et l’Association des magistrats, l’Association des jeunes avocats et l’organisation des enseignants chercheurs).
Des chiffres bas
Les résultats de l’étude présentée hier, 29 avril 2014, au grand public, sont mitigés et varient selon les partis et les organisations.
Alors que la présence de la femme est forte au sein d’organisations comme l’Association des magistrats et le syndicat des magistrats - tous les deux présidés par des femmes -, les partis politiques, eux, souffrent d’un déséquilibre déconcertant et d’une faible influence des femmes, qui malgré leur présence au niveau de la base, peinent à gravir les échelons de la carrière politique.
Le mouvement Ennahdha, par exemple, n’a au sein de son bureau exécutif qu’une seule femme. Parmi les 150 membres du conseil de la Choura, 37 sont des femmes. Le parti islamiste a par ailleurs eu le plus grand nombre de femmes députées lors des élections du 23 octobre 2011. La présence féminine au sein des structures de décision des autres partis politiques n’est pas meilleure : seulement trois femmes occupent des postes aux côtés de 50 membres hommes, au sein du bureau exécutif de Nidaa Tounes. Le bureau exécutif du Parti des travailleurs se compose, quant à lui, de trois femmes pour 18 hommes.
Au-delà des chiffres, la mentalité
Hafidha Chekir et Chafik Sarsar ont essayé dans leur étude d’analyser les causes à l’origine de l’inaccessibilité des hauts postes politiques aux femmes. Les entraves sont principalement culturelles. Revêtant des prétextes religieux et des interprétations discriminatoires, la culture sociale et législative a significativement réduit la participation de la femme dans les affaires publiques.
Certes, plusieurs d’entre elles ont conquis l’espace de l’emploi, mais les femmes œuvrent majoritairement dans cet ordre législatif et social qui leur assigne le rôle traditionnel de femme au foyer. L’étude a même montré que certaines femmes s’activent à préserver cet ordre là et militent pour maintenir le partage discriminatoire des rôles au sein de la société.
Face à ces contraintes qui persistent à tous les efforts juridiques (Constitution, loi électorale, levée des réserves sur la CEDAW), les deux experts ont constaté une mollesse des partis politiques qui n’ont pas osé affronter l’ordre établi pour le changer.
Mais cette désinvolture, c’est l’enquêtrice de l’étude qui l’a expérimentée le plus. Jeune étudiante et chercheuse, Rim Ben Rejeb a pendant de long mois frappé à la porte des partis politiques dans l’espoir de pouvoir remplir ses questionnaires. Les anecdotes qu’elle a retenues de ces périples quotidiens sont assez éloquentes et significatives. Et, hier, c’est avec une déception, frôlant parfois le sarcasme, parfois la colère, qu’elle les a racontées.
Quand elle a en effet frappé à la porte de Nidaa Tounes, demandant de rencontrer un haut cadre du parti, c’est à l’électricien du local qu’elle a été renvoyée. Celui-ci devait lui fournir des réponses à des questions sur la parité, l’alternance, la loi électorale et proposer des recommandations pour améliorer l’accès de la femme à des carrières politiques de haut niveau.
Son expérience avec Hizb Ut-tahrir a par ailleurs eu le goût d’une aventure peu agréable. Un long, pénible et vain mois passé à essayer de contacter Ridha Belhadj, le leader du parti, s’est soldé par une rencontre avec une femme membre du parti. Celle-ci a été catégorique : « La femme est une réputation qu’il faut préserver », a-t-elle ainsi répondu à la jeune enquêtrice.
Dans un camp plus modéré, se présentant plutôt centriste, Rim Ben Rejeb, a confié avoir éprouvé une expérience tout aussi « déconcertante » : « J’ai demandé à rencontrer une femme du parti de l’Alliance démocratique. Celle-ci a fait le déplacement depuis sa ville jusqu’à Tunis. Quand elle s’est rendue compte que je n’étais pas une journaliste venue pour une interview, et que je n’étais qu’une jeune étudiante courant derrière son enquête, elle m’a dit que si elle avait su qui j’étais, elle ne serait pas venue à ma rencontre. »
Par Hafawa Rebhi
Commandée par l’Institut Arabe des Droits de l’Homme et soutenue financièrement par l’Union européenne, l’étude a été menée auprès de dix partis politiques (le mouvement Ennahdha, Nidaa Tounes, le Parti des travailleurs, le Parti unifié des patriotes démocrates, Al Massar, Al Jomhouri, Ettakatol, Hizb Ut-tahrir, l’Alliance démocratique et le courant Al Mahabba) et huit organisations patronales et syndicales ( l’UGTT, l’UTICA, le syndicat des agriculteurs et des pêcheurs UTAP, le syndicat des journalistes, le syndicat et l’Association des magistrats, l’Association des jeunes avocats et l’organisation des enseignants chercheurs).
Des chiffres bas
Les résultats de l’étude présentée hier, 29 avril 2014, au grand public, sont mitigés et varient selon les partis et les organisations.
Alors que la présence de la femme est forte au sein d’organisations comme l’Association des magistrats et le syndicat des magistrats - tous les deux présidés par des femmes -, les partis politiques, eux, souffrent d’un déséquilibre déconcertant et d’une faible influence des femmes, qui malgré leur présence au niveau de la base, peinent à gravir les échelons de la carrière politique.
Le mouvement Ennahdha, par exemple, n’a au sein de son bureau exécutif qu’une seule femme. Parmi les 150 membres du conseil de la Choura, 37 sont des femmes. Le parti islamiste a par ailleurs eu le plus grand nombre de femmes députées lors des élections du 23 octobre 2011. La présence féminine au sein des structures de décision des autres partis politiques n’est pas meilleure : seulement trois femmes occupent des postes aux côtés de 50 membres hommes, au sein du bureau exécutif de Nidaa Tounes. Le bureau exécutif du Parti des travailleurs se compose, quant à lui, de trois femmes pour 18 hommes.
Au-delà des chiffres, la mentalité
Hafidha Chekir et Chafik Sarsar ont essayé dans leur étude d’analyser les causes à l’origine de l’inaccessibilité des hauts postes politiques aux femmes. Les entraves sont principalement culturelles. Revêtant des prétextes religieux et des interprétations discriminatoires, la culture sociale et législative a significativement réduit la participation de la femme dans les affaires publiques.
Certes, plusieurs d’entre elles ont conquis l’espace de l’emploi, mais les femmes œuvrent majoritairement dans cet ordre législatif et social qui leur assigne le rôle traditionnel de femme au foyer. L’étude a même montré que certaines femmes s’activent à préserver cet ordre là et militent pour maintenir le partage discriminatoire des rôles au sein de la société.
Face à ces contraintes qui persistent à tous les efforts juridiques (Constitution, loi électorale, levée des réserves sur la CEDAW), les deux experts ont constaté une mollesse des partis politiques qui n’ont pas osé affronter l’ordre établi pour le changer.
Mais cette désinvolture, c’est l’enquêtrice de l’étude qui l’a expérimentée le plus. Jeune étudiante et chercheuse, Rim Ben Rejeb a pendant de long mois frappé à la porte des partis politiques dans l’espoir de pouvoir remplir ses questionnaires. Les anecdotes qu’elle a retenues de ces périples quotidiens sont assez éloquentes et significatives. Et, hier, c’est avec une déception, frôlant parfois le sarcasme, parfois la colère, qu’elle les a racontées.
Quand elle a en effet frappé à la porte de Nidaa Tounes, demandant de rencontrer un haut cadre du parti, c’est à l’électricien du local qu’elle a été renvoyée. Celui-ci devait lui fournir des réponses à des questions sur la parité, l’alternance, la loi électorale et proposer des recommandations pour améliorer l’accès de la femme à des carrières politiques de haut niveau.
Son expérience avec Hizb Ut-tahrir a par ailleurs eu le goût d’une aventure peu agréable. Un long, pénible et vain mois passé à essayer de contacter Ridha Belhadj, le leader du parti, s’est soldé par une rencontre avec une femme membre du parti. Celle-ci a été catégorique : « La femme est une réputation qu’il faut préserver », a-t-elle ainsi répondu à la jeune enquêtrice.
Dans un camp plus modéré, se présentant plutôt centriste, Rim Ben Rejeb, a confié avoir éprouvé une expérience tout aussi « déconcertante » : « J’ai demandé à rencontrer une femme du parti de l’Alliance démocratique. Celle-ci a fait le déplacement depuis sa ville jusqu’à Tunis. Quand elle s’est rendue compte que je n’étais pas une journaliste venue pour une interview, et que je n’étais qu’une jeune étudiante courant derrière son enquête, elle m’a dit que si elle avait su qui j’étais, elle ne serait pas venue à ma rencontre. »
Par Hafawa Rebhi
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